Voici mon intervention au conseil municipal du 28 avril concernant la nouvelle Convention Publique d’Aménagement (CPA) qui lie la Ville de Bordeaux et la société InCité pour organiser la requalification d’un nouveau périmètre.
Monsieur le Maire, mes chers collègues,
L’objectif de requalification est louable quand elle entend, cette requalification, lutter contre l’habitat indigne ou vacant. La réhabilitation des logements est une intervention nécessaire. La requalification devrait faire l’objet d’un vote unanime. Mais voilà, le projet que vous nous présentez est inacceptable car cette requalification, telle qu’elle est définie, organise le départ des populations les plus pauvres et cela nous ne pouvons l’accepter. Vous allez nous expliquer que c’est un fantasme et c’est pourquoi nous prendrons des exemples concrets puisés dans le texte soumis au vote aujourd’hui.
1) Un nombre de logements sociaux ridiculement bas. Page 207 : 85 logements sociaux publics. Sur 1 200 logements qu’Incité va suivre pendant les 6 années à venir dans ce nouveau périmètre, seuls 85 deviendront des logements sociaux publics, soit 7% ! Bordeaux est déficitaire en logements sociaux, nous parvenons à peine à un taux de 16%. Cette Convention publique d’aménagement, en donnant les moyens à l’opérateur, aurait pu être un exemple, une manière de faire de l’impératif de mixité sociale, une réalité. Mais avec une telle convention, que va-t-il se passer ? La même chose qu’à Saint-Michel : les habitants modestes, locataires ou propriétaires d’un logement concerné par l’opération de requalification, seront contraints de quitter les lieux et n’auront pas les moyens de se reloger dans un quartier livré à la spéculation immobilière. La seule manière pour ces habitants de rester dans un quartier dans lequel ils ont parfois toujours vécu est de pouvoir bénéficier d’un logement au même prix. Et compte tenu de ceux pratiqués par le privé, cela ne pourrait être qu’un logement social public, voir pour certains d’entre eux un logement relevant du programme social thématique. En refusant de prévoir les crédits qui permettraient la création de logements sociaux, vous faites d’Incité le complice de la gentrification du centre ville.
2) Second point en lien avec le premier. Vous refusez de mettre à la charge de l’opérateur l’obligation de reloger les habitants qui le désirent dans leur quartier. C’est simplement une faculté permise à InCité. C’est évidemment insuffisant et cela confirme votre volonté de ne pas vous occuper des personnes modestes qui subiraient les conséquences de la requalification. Je vous entends déjà protester, que ce n’est pas vrai, que vous avez le souci des gens. Dans ce cas, prouvez-le et fixez comme obligation à l’opérateur le relogement dans le quartier. Il n’y a pas de raison que des personnes soient chassées de leur quartier pour la seule raison qu’elles sont pauvres. Cette requalification ne peut se justifier qu’à la seule condition que les habitants concernés par un départ non choisi soient relogés, quand ils le demandent, dans leur quartier.
3) Cette CPA prévoit de déléguer le pouvoir d’expropriation à InCité. Il s’agit d’un pouvoir exorbitant ayant parfois de conséquences humaines très importantes. Parfois l’expropriation se justifie mais dans tous les cas, les élus ne peuvent pas détourner le regard et nous demandons qu’ils soient décisionnaires. C’est aux élus et non au personnel administratif de prendre le cas échéant la lourde décision d’expropriation une fois qu’ils ont été complètement informés du dossier.
4) Il est instauré à l’article 2.6 un comité de suivi composé de représentants de la ville, de représentant d’InCité, et d’intervenants extérieurs utiles. En n’ouvrant pas la possibilité à l’opposition municipale ou aux associations de riverains – comme l’association “un centre historique pour tous” – d’être membres de ce comité, vous renforcez l’opacité qui fait l’objet des critiques les plus vives.
Ceci étant dit, nous sommes résolus à être constructifs. Jusque là, vous avez rejeté tous nos amendements mais nous persévérons, et vous proposons les amendements suivants :
1) porter à 25% le nombre de logements à recycler en logements sociaux publics
2) rendre obligatoire pour l’opérateur le relogement sur place des habitants qui le souhaitent
3) ne pas déléguer le pouvoir d’expropriation
4) ouvrir le comité de suivi à l’opposition municipale et aux associations de riverains
Dans l’hypothèse où vous accepteriez ces amendements, nous voterons cette délibération, dans le cas contraire, nous voterons contre.
Le maire de Bordeaux a rejeté tous ces amendements.