Pourquoi je démissionne d’InCité

Quand j’ai accepté de représenter la CUB au Conseil d’Administration d’InCité, j’avais dans l’espoir de mieux comprendre le travail de cette société. Je n’imaginais pas qu’à chaque Conseil Municipal, mes critiques argumentées contre les dérives de cette SEM seraient balayées d’un revers de la main par le Maire ou sa majorité, au motif que j’en suis un des administrateurs. C’est déloyal car cette société est majoritairement gérée par des administrateurs idéologiquement proches du Maire. Je n’ai strictement aucune marge de manoeuvre dans les décisions prises par InCité. Un des adjoints au Maire, qui est également administrateur de cette société, faisait observer lors de ce conseil municipal que je n’étais pas en phase avec son C.A. En réalité, j’avais simplement l’outrecuidance de poser des questions. Le conseil d’administration se borne à mettre en oeuvre les directives politiques anti-sociales de la majorité municipale et le C.A. de la SEM ne se prononce que sur des questions techniques sans enjeux. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je n’ai jamais été amené à voter contre une décision. La vérité est qu’InCité ne produit pas de logements sociaux, la vérité est que dans l’hypothèse où elle voudrait le faire, elle n’en a pas les moyens. ++1) Absence de logements locatifs sociaux publics créés par InCité++%%% Avant de revenir sur des exemples concrets, il suffit de regarder le [compte-rendu d’activité d’InCité|/v2/public/2009/septembre/deliberation499.pdf] et de lire la __ligne « Logements locatifs sociaux publics créés » », le chiffre donné est « 0 ».__ Pour mémoire, il manque 6000 logements sociaux à Bordeaux (chiffre confessé par Alain Juppé lors de ce conseil municipal du 28 septembre) pour parvenir au 20% imposés par la loi. Le Maire nous dit : « trouvez-moi 30 hectares et je fais du logement social », ou, encore plus caricatural : « on rase un quartier et on pourra faire du logement social ». C’est ridicule car des années de recul maintenant permettent de rejeter l’idée d’une concentration de logements sociaux en un même lieu. Nous ne voulons pas de ghettos qui enfermeraient les mêmes difficultés sociales. La mixité est possible en profitant des opérations de réhabilitation dans le centre historique et ailleurs à Bordeaux. Le Maire, d’autorité, argumente que le diffus ne permettra pas d’attendre l’objectif des 20 % et en profite pour rejeter toute initiative de mixité. L’exemple qui suit en est une parfaite illustration. Pour information, __il y a 1920 demandeurs de logements sociaux inscrits auprès d’InCité, en 2008 InCité a attribué 113 logements et seulement 33 d’entre eux relevaient des logements conventionnés__ (voir [« extrait du Conseil d’Administration d’InCité » du 31 mars 2009|/v2/public/2009/septembre/extraitCAincite31mars2009.pdf]). ++2) Vente d’un bien appartenant à InCité : vacance du logement depuis plusieurs mois, refus d’en faire un logement social, prix de vente exorbitant++%%% Même quand elle en a l’opportunité, Incité ne fait pas de logement social public. Prenons un seul exemple vérifiable par tous. InCité a remis à neuf un appartement du 29 rue des Faures. [((/v2/public/2009/septembre/.InCite-199000euros_m.jpg|Copie écran InCité|C|Copie écran InCité, sept. 2009))|/v2/public/2009/septembre/InCite-199000euros.jpg] Elle pourrait très bien le louer à un des très nombreux demandeurs de logements sociaux inscrits auprès d’elle. Elle s’y refuse et le propose à la vente aux primo accédants. Le prix est à faire pâlir les potentiels acquéreurs et sourire les agences immobilières. 60m² pour 199 000 euros, soit 3316 euros/m² (voir copie écran du site d’InCité). Pour le quartier St Michel, les notaires enregistrent des prix de cession allant de 2150 à 2650 euros le m² ([www.immoprix.com|http://www.immoprix.com]). __Cela signifie que la proposition d’InCité est au mieux, pour l’opération visée, 40 000 euros plus chère que le prix du marché__. D’ailleurs le marché n’en veut pas puisque l’appartement est à vendre maintenant depuis plusieurs mois. __InCité participe à la vacance du logement à Bordeaux, un comble pour un organisme destiné à lutter contre ce phénomène !__ Quel primo accédant a les moyens d’acheter ce bien à ce prix ? Il y a quelques mois, je dénonçais __une politique de « tri social » menée par InCité__. Cet exemple en est une parfaite illustration. Un couple primo accédant qui aurait 15 % d’apport et qui s’endetterait sur 20 ans devra débourser 1080 euros par mois (sur la base d’un taux à 4,05 % et 0,36 % d’assurance). Dans la mesure où les banques ne prêtent que si l’endettement global du ménage est inférieur à 33 %, il faudra que le couple en question n’ait aucun crédit (consommation, voiture, …) et qu’il gagne, net, au minimum 3240 euros. Autant dire que des couples qui correspondraient à ce profil ne sont pas vraiment les plus en difficulté. D’ailleurs, s’il en existait, on comprend mal pourquoi ils achèteraient un bien 40000 euros plus cher que le prix le plus cher constaté dans le quartier. ++3) L’exemple de l’extension du foyer FJT « Le levain » : le maquillage des chiffres++%%% Dans[ ma première intervention au conseil municipal|/v2/index.php?post/2009/09/29/Quand-InCit%C3%A9-s-impose-artificiellement-dans-une-op%C3%A9ration-immobili%C3%A8re], je reprochais à la Mairie d’imposer InCité comme maître d’ouvrage sur une opération d’extension d’un foyer de jeunes travailleurs. Je faisais la démonstration qu’il s’agissait d’un montage fallacieux. En réalité, l’opération en question est essentiellement politique : en imposant InCité, la mairie lui offre la possibilité de revendiquer dans son bilan un nombre de places de logements sociaux. C’est parfaitement trompeur puisqu’InCité n’aura pas débloqué un centime. L’essentiel de l’investissement étant supporté par l’Etat (si jamais il intervient), la CUB et la Mairie au titre de la surcharge foncière ainsi que par le Conseil général et le Conseil régional dans le cadre de leur dispositif d’aide à l’investissement des PLAI. Pour 31 places revendiquées par la InCité et donc par la Mairie, la ville n’aura investi que 18 % dans l’opération. InCité apparaît là comme un écran politique et médiatique entre les réels financeurs (qui, rappelons-le, interviennent au-delà de leur compétence propre) et l’opinion. __Cela signifie que la Mairie de Bordeaux, grâce à InCité, dissimule tout bonnement son refus entêté de résoudre le problème de logements sociaux à Bordeaux__. Comme je le disais en introduction, j’ai accepté d’être administrateur pour comprendre et appuyer mes critiques sur des données chiffrées, en aucun cas pour me faire museler. C’est la raison pour laquelle je remets aujourd’hui ma démission d’administrateur de cette société au Président de la CUB.

  1. 29 septembre 2009

    Juppé a déclaré il y a quelques jours dans une émission de F-Culture (début de la soirée, avec entre autres G. Collomb de Lyon) que sa ville était dans l’heureuse situation de disposer d’immenses surfaces en jachère permettant de réaliser du logement social, ce qu’il était en train de faire car la ville n’avait pas encore 20%. Et de la mixité sociale également! On croit rêver!
    Mais comme tous ces Grands de la droite il a fait du mensonge un principe de vie et ses contradictions ne le gênent évidemment pas du tout.
    Ce qui m’a irrité (comme d’hab’) dans l’article de D. Lherm, c’est qu’il n’a rien écrit sur les positions du PS, que des remarques atmosphériques présentant nos élus comme des pauvres perdus qui ne savent pas où ils en sont. Triste;

  2. 29 septembre 2009

    Je ne sais pas ce qui est le plus choquant : le refus de la Mairie d’agir en faveur de la mixité sociale, ou la récupération de l’action des autres collectivités territoriales !
    Tu as raison de partir, Matthieu : il n’y a pas de place pour une voix différente dans une organisation pilotée par ce type d’idéologie