Vidéosurveillance à Bordeaux : c’est la course à l’armement, inefficace et très couteuse

2009

Lors du Conseil municipal de ce 26 octobre 2009, la majorité d’Alain Juppé a voté une délibération pour une nouvelle extension du parc de vidéosurveillance à Bordeaux. Lors du Conseil municipal de juin 2008, j’avais prédit les risques inflationnistes que le Maire encourait en mettant le doigt encore un peu plus loin dans le dispositif de vidéosurveillance. Ça n’a pas manqué. En 2 ans et demi, on passe de 3 à 24 caméras de vidéosurveillance urbaine, soit 800 % d’augmentation, pour un montant total de 732 000 euros. Rien qu’en investissement. Alain Juppé refuse de communiquer les chiffres en matière de fonctionnement. Il a même déclaré lors d’un précédent débat municipal : « En fonctionnement, ça ne coûte rien, un peu de courant électrique ». Il oublie l’entretien, le remplacement du matériel endommagé et il oublie également les agents qui doivent en principe surveiller 24h/24 ces vidéos. Selon nos estimations, il faut compter 100 000 euros par an en fonctionnement pour un parc d’une vingtaine de caméras pour le seul traitement des policiers municipaux qui seraient sans doute bien plus attendus sur le terrain.

Je ne reviendrai pas sur l’inefficacité prouvée de la vidéosurveillance. Une seule comparaison : Londres est, dans le monde, la ville la plus vidéosurveillée. Pour autant, elle n’en est malheureusement pas la plus sûre. Scotland Yard, en 2008, a ainsi confessé que le système n’avait pas permis de résoudre de manière significative les crimes et délits et que son effet a été nul sur la prévention de la délinquance. Tous les éléments de justification se trouvent sur Wikipédia. J’ai demandé au Maire, que je sais être un homme exceptionnel, comment il comptait réussir là où tout le monde a reconnu que les caméras de surveillance urbaine ne fonctionnaient pas ? J’ai par ailleurs rappelé que les policiers municipaux qui surveillent la nuit les images produites en temps réel ne peuvent pas intervenir, faute de budget. En effet, le Maire refuse les patrouilles nocturnes de la police municipale. J’ai fait par ailleurs observer que certaines communes commençaient à faire machine arrière. Jaurès aurait dit : « Quand on ne peut pas changer les choses, on change les mots ». C’est ce qui explique sans doute le nouveau vocabulaire employé par le Maire. Jusqu’ici, les délibérations liées à ce sujet évoquaient « la vidéosurveillance », maintenant, la majorité nous parle de « vidéo protection ».

A propos de l’effet plumeau dont parlent les experts et selon lequel une caméra ne supprime pas le problème, elle ne fait que le déplacer, le Maire a déclaré dans un précédent Conseil : « La preuve que ça marche là où il y en a ». Quelle formidable manière de trouver des solutions globales efficaces. Je lui ai demandé s’il faisait de cette formule magique une philosophie de vie car, dans ce cas, ce sont ses voisins qui doivent être heureux : « Vous rencontrez un obstacle pour rentrer chez vous, qu’à cela ne tienne, vous le déplacez devant la porte du voisin et vous vous exclamez : regardez, ça marche ! Je peux rentrer chez moi ! » 

Le Maire jette par la fenêtre l’argent des contribuables, il leur en rendra compte. Toutefois, j’ai voulu m’adresser à certains membres de sa majorité. Ces caméras sont financées pour la moitié par le Fonds Interministériel de Prévention de la délinquance. En août, le gouvernement a décidé qu’à l’aide de ce fonds, il fallait multiplier par 3 le nombre de caméras en France. La commande de Nicolas Sarkozy a fait tousser, même à droite. Je cite :

En triplant le nombre de caméras sur la voie publique d’ici 2011 le choix de Monsieur le Ministre Brice HORTEFEUX a au moins le mérite d’être clair !
Monsieur le Ministre est :
– pour la robotique et la déshumanisation des villes…
– sa sécurité publique devient une question technologique !
– sa vidéosurveillance n’est pas une « protection », c’est une violence sociale !

Il s’agit d’un communiqué de presse CAP21 dans lequel Corinne Lepage rappelle qu’elle est membre fondateur du Modem. On a donc une réflexion nationale aboutie de la part de ces partis. Malheureusement, les membres de CAP21 et du Modem qui siègent au Conseil municipal ont voté la délibération. Ils ont fait la démonstration encore une fois que les grands principes défendus à Paris sont totalement ignorés dans l’exercice quotidien de leurs mandats. Le communiqué exige des mesures humaines à la place de la vidéosurveillance.

Si on regarde les deux dernières années, au lieu de gâcher 932 000 euros (investissement + fonctionnement), ce sont 23 équivalents temps plein d’éducateurs spécialisés que nous aurions pu appeler en renfort. Il aurait mieux fallu des spécialistes de la prévention de la délinquance en contact avec le terrain pour répondre humainement, intelligemment aux problèmes de délinquance.

Véronique Fayet, l’élue Modem chargée du social a défendu ces caméras en affirmant qu’elles venaient compléter d’autres dispositifs humains de prévention de la délinquance. Ce qu’elle a oublié de dire, c’est que les fonds de l’État pour la prévention de la délinquance restent les mêmes. Comme la commande politique nationale est de les utiliser davantage pour la vidéosurveillance., cette dernière absorbe les fonds jusqu’ici employés ailleurs. Autrement dit, il n’y a aucune complémentarité : la prévention de la délinquance est de plus en plus confiée à des caméras, au détriment des actions « humaines ».

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