Le reportage diffusé par France 2 ce 28 avril 2010 au sujet des dessous de l’église Saint Éloi et de ses ramifications à Bordeaux révèle des faits d’une extrême gravité. On y voit des enfants scolarisés dans notre ville récitants en salle de classe des chants racistes et tenant des propos antisémites. On y découvre un professeur d’histoire expliquant que les SS constituaient une armée d’élite, que le Général De Gaulle était un déserteur et Pétain un grand homme.
On y apprend l’entraînement para-militaire sur le territoire girondin de jeunes fascistes excités à l’idée de tuer des femmes musulmanes et des jeunes noirs. Et surtout, on comprend que la tête de ce réseau nauséabond est l’association « Église Saint Éloi » de Bordeaux dépendant de l’Institut du Bon Pasteur.
Beaucoup a été écrit sur cette mouvance. En tant qu’élu, je m’intéresse plus précisément à la responsabilité de la Ville et en particulier de son Maire Alain Juppé dans le développement que connait ce groupe à Bordeaux. Lors du Conseil municipal du 27 avril, mes collègues socialistes et moi-même avons cherché à obtenir un débat sur le sujet. Dans les couloirs, on ne parlait que de ce reportage à venir. Le Maire a systématiquement refusé nos demandes, nous coupant le micro chaque fois que nous avons essayé d’évoquer le sujet. Mal à l’aise, il s’est contenté de dire, à la fin du conseil et sans nous permettre de réagir que l’extrême-droite n’était pas sa tasse de thé. L’argument est un peu simple ou en tout cas trop court. Cette association extrémiste a pignon sur rue à Bordeaux depuis que le Maire de Bordeaux a signé en 2002 une convention avec cette association qui autorise cette dernière à occuper l’église Saint Éloi. Depuis, sur le seul territoire bordelais, une librairie traditionaliste a été créée en face du lieu de culte, une école privée du nom de Cours Saint Projet a vu le jour dans le quartier Ornano et une cave de Saint-Éloi proposée par un des abbés extrémistes sert de rassemblement à la jeune garde franquiste bordelaise appartenant au groupe Dies Irae.
Déjà à l’époque, tout le monde savait ce qu’était cette mouvance qui se réclamait de Monseigneur Lefebvre. Les débats du Conseil municipal du 28 janvier 2002 (délibération 20020029, à partir de la page 175) sont très instructifs. La délibération prétend que l’association extrémiste est une simple association culturelle : « L’association « Église Saint Éloi » s’est rapprochée de l’Administration municipale afin de disposer de cet édifice pour y assurer une activité culturelle tout en en poursuivant les travaux de restauration. »”.
Il s’en suit un débat entre l’opposition et la majorité qui me rappelle ceux que nous connaissons encore aujourd’hui. Alain Juppé campé sur ses positions, sourd à toute contradiction et d’une mauvaise foi sans borne. Dès ce conseil de 2002 l’opposition avait soulevé l’illégalité de cette affectation. Pour toute réponse, elle essuie les sarcasmes d’une majorité qui détient la vérité. L’avenir donnera raison à Gilles Savary puisque cette délibération a été annulée. On peut constater l’acharnement du Maire à permettre à cette association d’occuper ces lieux. Alors que la délibération octroyant cette église est reconnue illégale, il n’est plus tenu par la convention qu’il a signé et peut donc faire évacuer l’édifice. Que nenni. Ils y sont, ils y restent. A ceux qui exprimeront leur incompréhension, il répondra : l’extrême gauche a l’église Saint Siméon (Utopia), l’extrême droite l’église Saint Eloi. Une réponse d’une grande intelligence qu’il ne vaut mieux pas commenter ici.
J’ai entendu des gens de bonne foi m’expliquer que le Maire ne savait pas, qu’il ne les aime pas. En tout état de cause, en tant que responsable politique, il connaît la portée de ses actes et en tant que Premier magistrat de la ville, il a une très lourde responsabilité dans l’exceptionnel développement de ce réseau raciste. Les occupants de l’église Saint Éloi sont nuisibles et après ce reportage, on est en droit de se demander ce que va faire Alain Juppé.
Que peut-il faire ? Dans la mesure où la délibération du 28 janvier 2002 a été annulée par la justice administrative, la convention en annexe qui règlementait l’octroi aux extrémistes est également caduque. En conséquence, l’occupation de l’église est illégale et le Maire de Bordeaux peut demander son évacuation (avec l’accord de l’Église catholique puisque la désaffectation n’a pas été reconnue). Si l’Église catholique refusait de le suivre, il a également l’opportunité d’user de son pouvoir de police en vertu duquel il doit prévenir ou faire cesser les atteintes à l’ordre public.
S’il décidait de rester droit dans ses bottes en refusant de prendre cette disposition, il finira de convaincre les plus sceptiques de son attachement à l’enracinement de cette dangereuse mouvance dans notre ville.
Edit 29/04/10 : Déjà en 2005 nous nous mobilisions contre l’hommage rendu en cette église à Pétain.