Vendredi, à 13h30, je reçois en permanence Michel, un militant du Réseau Education Sans Frontière qui accompagnait un jeune sans papier, apparemment victime de persécutions dans son pays d’origine. Comme d’habitude, j’épluche le dossier, cherche si tous les moyens de régularisation ont tous été actionnés, appelle mes contacts dans le pays en question et propose des alternatives en cas de refus obstiné des autorités.
Nous terminons ce premier rendez-vous vers 14h45 quand Michel me montre le dossier d’un autre sans-papier. Il s’agit d’Omar T., jeune algérien de 25 ans. Michel l’a rencontré par hasard jeudi au centre de rétention administrative de Bordeaux en allant apporter son soutien à un autre “retenu”.
Le jeune T. remet en vrac plusieurs pièces de son dossier à Michel et lui demande de l’aide. Le temps presse, le dossier comporte la copie du billet d’avion qui doit le faire quitter le territoire le lendemain matin. L’association agréée qui vient en aide aux personnes en centre de rétention administrative n’ayant pas pu assurer de permanence cette semaine, le cas de T. n’a donc pu être traité par personne.
À la lecture des pièces et en retraçant le parcours du jeune homme, je suis de plus en plus effaré. Omar souffre d’une deuxième récidive de sa myosite ossifiante et, si j’avoue ne pas savoir de quoi il s’agit, je comprends tout à fait l’expression mentionnée par le médecin de l’hôpital Beaujon : “nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour moi des conséquences d’une exceptionnelle gravité, en cas de retour à son pays d’origine”. Un autre document, émanant du Centre hospitalo-universitaire d’Alger reconnaît que l’équipement actuel dudit centre ne permet pas d’y opérer Omar T. : “atteinte de la hanche controlatérale droit complètement bloquée par une énorme calcification postérieure qui compromet la prise en charge thérapeutique à notre niveau. Cela nécessitera(it) un plateau technique performant notamment une chirurgie vasculaire microscopique et une concertation multidisciplinaire”. Omar T., vraisemblablement suivi par Beaujon à Clichy, y a pris un rendez-vous pour mai 2007 dans la perspective de réaliser une radio préalable à sa troisième opération.
Vers 15h30, je prends mon téléphone pour ne plus le lâcher pendant près de deux heures : Puisqu’il est au centre de rétention administrative de Bordeaux, je contacte la préfecture de la Gironde. J’obtiens la personne qui s’occupe des personnes étrangères ; celle-ci m’indique que le médecin du CRA n’a rien signalé. J’appelle ensuite le centre de rétention administrative qui m’indique que le médecin n’est pas présent mais se trouve à l’hôpital Saint-André. J’appelle Saint André et parviens à joindre le médecin. Il doit se renseigner auprès des infirmiers du centre de rétention administrative, je dois le rappeler dans quinze minutes plus tard. Lorsque je le recontacte, il m’indique qu’il n’a pas été réclamé par Omar T. et que c’est le médecin de la DDASS qui doit être saisi dans ces cas là. J’appelle la DDASS de la Gironde qui m’indique que le médecin inspecteur n’est pas encore arrivé. En attendant qu’il revienne, je recontacte la Préfecture de la Gironde à qui j’apprends que le médecin du centre de rétention administrative n’a pas été saisi par T. ; je leur indique que ce n’est pas normal vu son état de santé et son refus de retourner en Algérie avant d’avoir pu obtenir des soins. La préfecture me répond que seul le médecin de la DDASS est compétent. Chouette, me dis-je, une information concordante, je rappelle la DDASS. N’ayant pas de ligne directe, je repasse par le standard, redemande “le médecin qui s’occupe des étrangers en situation irrégulière”. La standardiste me dit qu’il faut appeler la préfecture. J’indique que c’est elle qui m’a indiqué la DDASS. La standardiste me répond : “Eh bien il faudrait savoir, nous avons des instructions de la préfecture pour ne pas traiter directement ces appels” ; elle finit par me passer le médecin. Le médecin m’indique la procédure dans le cas d’un étranger malade : c’est la préfecture qui adresse un formulaire au médecin inspecteur de la DDASS ; il me précise bien qu’ils ont des instructions de la préfecture pour ne pas s’autosaisir. Je rappelle la préfecture de la Gironde pour demander pourquoi ce formulaire n’a pas été adressé au médecin de la DDASS. “Mais monsieur, ce cas ne relève pas de la préfecture de la Gironde, l’arrêté de reconduite à la frontière (APRF) pris par Paris a été exécuté par la préfecture de la Vienne”. Je demande à qui m’adresser : Paris ou Poitiers ? Poitiers. Retour à la case départ. J’appelle la préfecture de la Vienne qui me confirme la procédure. Je lui fais un topo de la situation médicale. Mon interlocutrice, qui “n’a pas la compétence”, me passe sa chef de service. Cette dernière me dit qu’elle n’a pas été saisie par la DDASS. Je lui demande si ce n’est pas à elle de la saisir justement. Elle va se renseigner. Je dois la rappeler. En attendant, j’appelle la DDASS de la Vienne, tombe sur un médecin qui me dit qu’il n’a pas été saisi par la préfecture. Je lui propose de lui envoyer par fax un extrait du dossier médical. Je rappelle la Préfecture de la Vienne. Je lui refais le topo sur la situation médicale de T., lui dis qu’on ne peut pas le laisser partir, qu’il faut immédiatement interrompre d’urgence la procédure de reconduite à la frontière. Je lui faxe le dossier. Mon interlocutrice semble ennuyée, elle m’indique qu’elle va voir ce qu’elle peut faire et qu’elle me recontacte. Je quitte le bureau pour enchaîner des réunions incompréhensibles. (Deuxième acte à venir)
7 mars 2007
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