Je dénonçais hier le nouveau budget de l’Euro 2016 à Bordeaux qui passe de 4,74 à 9,1 millions d’euros dont 6,05 millions d’argent public. Tout ça pour un petit mois de festivités. En mettant la main sur de nouveaux documents, je découvre que le scandale ne s’arrête pas là.
Petits rappels en préambule. On se souvient qu’Alain Juppé a décidé de faire construire un stade pour l’accueil de l’Euro 2016. On sait également que le Maire de Bordeaux a décidé de recourir pour cela à un contrat de partenariat public privé (PPP). Ce contrat englobe la conception, la réalisation et l’exploitation du stade. Les chiffres de la délibération de 2011 nous apprennent que, sur la durée du contrat, le coût de la conception réalisation, entièrement supporté par le public (sous forme d’avances et de loyers), est de 356,2 millions d’euros (218,9 de coût de revient et 137,3 de frais financiers). L’exploitation, quant à elle, coûte 190,9 millions d’euros (dont 79,6 d’impôts que le Conseil d’Etat a demandé au Maire de Bordeaux de ne pas oublier de faire figurer dans les dépenses). On sait que le partenaire privé, la société Bordeaux Stade Atlantique (SBA) composée de Vinci et Fayat, s’est engagé au titre de l’exploitation, à verser des recettes garanties à la ville pour un montant de 134,6 millions d’euros.
Ces rappels sont utiles pour bien avoir en tête que ce stade est entièrement financé par l’argent public et que le partage des coûts se fait seulement au niveau de l’exploitation. Après la décision du Conseil d’Etat, on sait que le coût prévisionnel annuel (net) pour la seule ville de Bordeaux est de 6,8 millions d’euros (chiffres 2011).
C’est maintenant qu’il faut être bien accroché. Dans le cadre de l’Euro 2016, il est prévu 5 matches dans le nouveau stade de Bordeaux et je viens de découvrir que la Ville va devoir payer SBA pour sa location ! Autrement expliqué, le contribuable va payer deux fois ! Il paye via le versement des loyers annuels à SBA et il paye la location du stade pour l’Euro 2016 ! C’est comme si vous achetiez votre maison à crédit, que vous remboursiez vos mensualités à la banque qui en reste propriétaire et qu’en plus vous deviez lui régler le montant d’une location. Alors que c’est l’argent public qui finance le stade, la Ville n’en sera propriétaire qu’au terme du contrat (dans 30 ans !) et d’ici là, Vinci/Fayat nous facturent l’utilisation du stade.
Attendez, ce n’est pas terminé. Le coût global pour la Ville de cette location (et des dépenses liées : exploitation, aménagements extérieurs) est estimé dans une annexe à 2,175 millions d’euros. Ce montant que les élus vont découvrir vendredi prochain n’a jamais été évoqué jusqu’ici. S’agissant d’une dépense à laquelle Alain Juppé ne s’attendait pas, le financement n’était pas prévu. Le Maire de Bordeaux a pourtant trouvé une solution. Sur l’argent versé par l’UEFA à Bordeaux, il va se servir de 1,4 millions d’euros pour payer cette location. Souvenez-vous, Alain Juppé, triomphant, avait expliqué qu’il avait réussi à obtenir du football professionnel une enveloppe pour “garantir l’acceptabilité sociale” (son blog) de l’Euro 2016. En effet, “cette rétrocession permettrait […] de construire encore plus d’équipements sportifs de proximité : des city-stades, des terrains synthétiques”. D’ailleurs, à Bordeaux, une partie de cette somme était fléchée pour la réhabilitation du stade Galin (débat du conseil municipal du 14/12/2015 à l’occasion du budget, page 43). Il n’est plus question de tout dédier aux équipements de proximité, non, l’argent servira aussi à payer la location du stade. En somme, l’argent du foot business retourne au foot business.
PS : sachant que le coût de cette location est fixé à 2,175 millions d’euros et que le Maire de Bordeaux ne dispose plus que de 1,4 millions de l’enveloppe UEFA, la différence est facturée à la métropole.
dernière mise à jour : 25/mai/2015