Ce lundi 6 juin 2016, Alain Juppé soumet au vote de son Conseil municipal le compte administratif 2015 et le budget supplémentaire 2016.
Lire et comprendre l’intégralité d’un compte administratif ou d’un budget est particulièrement ardu pour des élus qui n’ont pas, pour la très grande majorité d’entre eux, de formation en finances publiques. C’est la raison pour laquelle la loi impose aux exécutifs de présenter au tout début de ces documents comptables une page avec des ratios permettant d’apprécier facilement la situation financière de la collectivité. L’article R 2313-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) impose ainsi aux communes de plus de 10.000 habitants, la communication de 11 ratios. On y retrouve par exemple un ratio n°5 qui affiche le rapport encours de la dette / population pour mesurer la dette qui repose théoriquement sur chacun des habitants de la ville ou encore le ratio n°11 qui propose le rapport encours de la dette / recettes réelles de fonctionnement et qui permet de mesurer la charge de la dette de la collectivité relativement à sa richesse.
Il ne viendrait à l’idée de personne de remettre en cause les ratios indiqués par la collectivité surtout si cette collectivité est dirigée par un énarque, ancien ministre du Budget. Cependant, il y a quelques semaines, le Conseil d’État a condamné le Maire de Bordeaux pour avoir trompé les élus sur le coût exact du nouveau stade. Il avait en effet fait voter à l’assemblée délibérante un coût net pour la ville deux fois inférieur à ce qu’il pèse réellement dans les comptes de la commune. C’est pourquoi nous avons voulu reprendre le calcul de ces ratios. Nous n’avons pas été déçus. Nous avons identifié des ratios inexacts et nous nous sommes pris au jeu de tirer sur le fil de cette pelote financière.
Précisons à ce stade que nous n’avons fait qu’approcher la réalité de la situation financière de la ville de Bordeaux. Deux obstacles nous privent de la possibilité d’aller plus loin. D’une part, le temps. Les documents budgétaires ont été remis aux élus seulement deux semaines avant le Conseil municipal, concomitamment à la commission Finances durant laquelle nous ne pouvions pas poser de questions précises car nous découvrions les données. D’autre part, la réticence de la Ville à nous communiquer les informations demandées.
Nous avons adressé une série de questions au Maire de Bordeaux dont certaines, le jour du Conseil municipal, restent sans réponses. À l’issue de nos investigations, voici ce que nous pouvons affirmer.
Alain Juppé a les ratios obligatoires liés à l’endettement. Ainsi, il dissimule, au travers des ratios qu’il communique, près de 150 millions d’euros d’encours de la dette. Il a par ailleurs inscrit des recettes fictives pour améliorer la présentation globale de son budget 2016.
Pour résumer, lorsque nous associons ces ratios recalculés avec les ratios corrects et avec d’autres indicateurs de gestion, nous pouvons établir que :
1) L’encours de dette tel que mentionné dans les ratios est mensonger
2) Le budget 2016 est en déséquilibre
3) L’endettement de la Ville a augmenté de 51% entre 2014 et 2016
4) Par population, la Ville a un endettement 23% plus important que les villes de taille comparable
5) Les dépenses d’équipement brut par population ont chuté de 40% en deux ans
6) Une fiscalité est excessive et impossible à augmenter
7) La commune ne dispose plus de marge d’autofinancement
Nous pouvons maintenant expliquer pourquoi de très nombreux équipements promis ou programmés, ne verront pas le jour : la ville n’a plus la capacité d’investir sans recourir à l’emprunt et cette solution est impossible au regard d’un endettement déjà critique. La piscine Galin n’est pas prête de reprendre du service. Il faut se ranger à l’idée que ni le gymnase Charles-Martin, ni le gymnase Victor Hugo ne seront inaugurés dans cette mandature. La maison des danses de Ginko est également reportée sine die. De nombreuses écoles devront patienter longtemps pour obtenir les importants travaux qu’elles attendent et s’il y a constructions de crèches, elles ne le seront qu’à l’initiative du privé.
Geler les investissements ne suffit pas car l’épargne nette pour les prochaines années s’annonce négative. Il faut impérativement faire rentrer de l’argent dans les caisses mais la fiscalité a atteint un seuil critique. C’est ici qu’on comprend cet acharnement à vendre les bijoux de famille. En 2015, Alain Juppé Maire de Bordeaux a vendu à Alain Juppé président de la Métropole pour plus de 100 millions d’euros d’actions de Gaz de Bordeaux, entreprise publique présidée par Virginie Calmels, adjointe au Maire de Bordeaux et Vice-Présidente du Président de la Métropole. On a connu des transactions plus compliquées à organiser. Mais ça ne suffit pas, il faut encore vendre.
Il aura fallu démaquiller ces documents comptables et décrypter leur contenu pour enfin comprendre et expliquer la situation dans laquelle Alain Juppé a placé les finances de la Ville. Comme un puzzle qui s’assemble, nous avons maintenant une vision plus claire des graves fautes politiques du Maire de Bordeaux et de leurs conséquences qui seront supportées par les Bordelais pendant de nombreuses années.