Comment Alain Juppé prépare une augmentation d’impôt déguisée, plus sévère encore pour les plus pauvres

C’est à pas de velours et dans la torpeur estivale qu’Alain Juppé s’apprête à décider l’augmentation de la taxe d’habitation pour les Bordelais. Après pourtant s’être engagé à ne pas le faire, il fera voter lors du prochain conseil municipal la diminution d’un abattement bénéficiant à tous les habitants. Cela aura pour conséquence une augmentation d’impôts pour tout le monde mais elle sera plus forte pour les plus pauvres. Cette décision est d’autant plus inacceptable que parmi les 15 plus grandes villes de France, Bordeaux est la deuxième la plus fiscalisée.

Rappelons que la taxe d’habitation est un impôt qui est calculé d’après la valeur locative cadastrale de l’habitation et de ses dépendances. Cette valeur est établie par les services fiscaux et réactualisée tous les ans. Elle tient compte d’un certain nombre de critères comme la surface des pièces, les éléments de confort, … À cette taxe s’applique un taux décidé par la collectivité. Il peut exister des abattements facultatifs ou obligatoires.

On comprend à ce stade que pour mesurer la pression fiscale, il ne faut pas seulement regarder les taux mais également les bases (les valeurs locatives) auxquelles ils s’appliquent. Afin de minorer la brutalité fiscale dont il fait preuve, Alain Juppé présente souvent un tableau comparant les taux d’imposition en oubliant systématiquement d’indiquer les bases. Lorsqu’on réalise ce travail (données issues du rapport de SFL Forum, voir à partir de la page 28), on constate que parmi les villes métropolitaines françaises, Bordeaux est, en matière de taxe d’habitation, la deuxième la plus fiscalisée de France.

TH-2016-villes-metropolitaines-tableauTH-2016-villes-metropolitaines

C’est parce qu’à Bordeaux les bases sont très fortes que l’abattement général à la base était important. Il venait atténuer l’impact singulièrement élevé des bases. Toutefois, comme on le voit sur le sur graphique ci-dessus, cette atténuation n’empêche pas Bordeaux de se hisser à la deuxième marche du podium fiscal.

En décidant de diminuer l’abattement général à la base, Alain Juppé va donc mécaniquement augmenter l’impôt de tous les Bordelais. Plus ils seront pauvres, plus l’augmentation sera forte. Pour le comprendre, il faut regarder comment fonctionne l’abattement général à la base. Il s’applique à la valeur locative moyenne (c’est à dire la moyenne de toutes les valeurs locatives brutes). Autrement dit, si vous habitez un logement plus petit ou moins confortable que la moyenne des autres logements, votre valeur locative brute sera inférieure à la valeur locative moyenne.

En 2016, la valeur locative moyenne est de 3630 euros. L’abattement général à la base est de 18,92%, ce qui signifie que chaque redevable bénéficie d’un abattement de 687 euros sur sa valeur locative brute. Alain Juppé entend ramener ce taux à 15%, ce qui signifie qu’à périmètre constant (nous conservons la valeur locative moyenne de 2016 mais on sait d’ores-et-déjà qu’elle sera plus forte en 2018 puisqu’elle est actualisée à la hausse chaque année), la déduction ne sera plus de 687 euros mais de 546 euros. Cette diminution va donc d’abord pénaliser les plus pauvres, ceux dont le logement et son confort sont inférieurs à la moyenne.

Par exemple, un habitant dont la valeur locative brute est de 2000 euros verra ainsi sa taxe d’habitation augmenter de 10,74%. Un habitant dont la valeur locative brute est de 5000 euros verra quant à lui sa taxe d’habitation augmenter de 3,27%.

Cette situation est inacceptable. Non content d’avoir fléché l’essentiel des ressources municipales sur des équipements de prestige (Grand Stade, Cité du Vin) au détriment des besoins du quotidien (gymnases, crèches, écoles, …), Alain Juppé avec cette nouvelle sanction fiscale vient amputer un peu plus le pouvoir d’achat de ceux qui n’en ont déjà pas beaucoup.