Dans l’édition de Sudouest de ce jour, nous apprenons que Société Bordeaux Atlantique (SBA), l’entreprise qui a construit et qui exploite le Grand Stade de Bordeaux, en déficit cette année de 2 millions d’euros, veut renégocier le contrat avec la Ville. Derrière cette aimable proposition se profile une situation financièrement catastrophique pour les finances publiques locales.
La construction et l’exploitation du Grand stade s’adossent à un contrat de partenariat public privé. Les obligations du cocontractant, SBA sont les suivantes : concevoir et construire le stade, l’exploiter et l’entretenir, reverser des recettes à la Ville de Bordeaux
De son côté, Ville a pour obligation de verser un loyer. Le montant de ce loyer est aujourd’hui réduit du montant des recettes nettes garanties par SBA. Lorsque nous avons fait condamner le Maire de Bordeaux par le Conseil d’Etat pour avoir dissimulé aux élus le vrai coût du Grand stade, une nouvelle délibération a été prise réactualisant les sommes en jeu. Aujourd’hui, dans sa relation contractuelle avec SBA (à l’exclusion de celle qui la lie donc avec le club des Girondins), le coût annuel du stade hors impôts, et hors prorata des subventions déjà versées est le suivant :
Loyer dû par la Ville 10 153 171 € – recettes nettes garanties 4 485 250 € = 5 667 921 €
Lorsque SBA dit : je fais des déficits, je veux renégocier, elle souhaite évidemment que les recettes nettes garanties à la Ville soient diminuées. Cela aurait pour conséquence logique de voir augmenter le loyer que doit verser la Ville.
On peut donc penser à ce stade que le Maire de Bordeaux bénéficie d’un contrat protecteur des intérêts de la Ville et qu’il n’a aucune raison de le renégocier. Néanmoins, Vinci et Fayat, qui épongent les dettes de SBA, leur société de projet, n’entendent pas continuer à engranger les pertes sur la durée du contrat (qui court jusqu’en 2045). Si on a à faire à un déficit structurel, il pourrait donc s’élever à 56 millions d’euros (28 années restant à courir X 2 millions d’euros par an). Pour un actionnaire, cette perspective, on le comprend, est inacceptable et il cherche naturellement à l’éviter.
La menace que pourrait brandir Vinci et Fayat est tout simplement de laisser mourir la société de projet qui elle seule est le contractant de la Ville. De cette manière, les deux sociétés fondatrices de SBA arrêteraient de perdre de l’argent. Dans le cadre d’une relation contractuelle classique, si l’une des parties ne remplit pas son obligation, l’autre a la possibilité de refuser de remplir la sienne au nom du principe d’exception d’inexécution. Dans notre affaire, si SBA disparaît, elle ne peut plus exploiter le stade et ne peut plus reverser les recettes nettes garanties à la Ville. En conséquence la Ville pourrait cesser de payer les loyers. Ce serait alors plutôt une bonne affaire pour la Ville qui aura toutefois à gérer le stade en régie ou à trouver un délégataire pour s’en charger.
Malheureusement, ce serait oublier trop vite ce que nous avons dénoncé depuis 2011 : la signature par Alain Juppé du bordereau de cession de créance aux banques. Derrière cette expression barbare se cache le mécanisme suivant. Par anticipation, Alain Juppé a accepté que la créance de loyer que SBA possède sur la Ville de Bordeaux soit cédée aux banques qui ont avancé les fonds pour la construction du Grand Stade. Ce qui signifie que si SBA disparaît, la Ville est toujours engagée à payer le loyer, non plus à SBA mais aux banques. Dit encore autrement, le loyer versé en pure perte (puisque nous n’aurons plus personne pour entretenir et exploiter le stade) ne serait donc plus de 5,6 millions mais de 10,153 millions d’euros par an.
En réalité, Alain Juppé est dans une situation inextricable. En acceptant de faire le jeu des banques lors de la signature du PPP et alors que nous l’avions alerté sur les risques qu’il faisait courir à la Ville, il a par avance déposé les armes. Dans le rapport de force qui s’annonce, il n’a aucun moyen de négociation si Vinci et Fayat menacent de liquider SBA.
Alain Juppé avait récemment prévu cette situation explosive car en fin d’année 2016, il a transféré le contrat du Grand Stade à la Métropole et a ainsi reporté les risques contentieux sur l’ensemble des 28 communes. Dans la mesure où SBA a déjà mis la Ville au Tribunal administratif (estimant que la collectivité lui doit de l’argent après la tenue des matches de l’UEFA), on peut penser que Vinci et Fayat ne tarderont pas à passer à l’attaque.