Cession du FCGB à un investisseur étranger : une vente à haut risque pour les finances publiques locales

M6, fidèle actionnaire du Club des Girondins de Bordeaux depuis 19 ans a décidé de s’en séparer. Le repreneur est un fonds d’investissement américain, General American Capital Partners. Sans remettre en cause le projet de ce nouvel actionnaire pour le Club, soulignons que sa vente à un investisseur étranger représente un risque important pour les finances publiques locales.

Le Club des Girondins de Bordeaux est un des cinq clubs sur 19 que compte la L1 à se trouver en déficit. Les derniers comptes publiés (saison 2016/2017) font état d’un résultat net négatif de 14,5 millions d’euros.

Une part de ce déficit provient du poids que représente le loyer du stade Matmut dans le budget annuel du Club. En effet, si l’occupation à l’époque du stade Chaban coûtait entre 100 à 150.000 euros par an au Club (en fonction des recettes de billetterie), la redevance qu’il verse pour jouer dans le Grand Stade a été fixée à 3,85 millions d’euros annuels. Alors que l’actionnaire s’attendait à bénéficier de recettes de billetterie à la hauteur de ce nouvel investissement, les résultats du Club et peut-être les difficultés d’accès révèle un stade à moitié vide lors de la plupart des matches des Girondins.

Il suffit de consulter les comptes du Club pour constater combien le nouveau stade a fait perdre de l’argent aux Girondins. Lors de la saison 2012/2013, alors qu’il jouait à Chaban, le FCGB enregistrait 7,3 millions de recettes matches. Les derniers chiffres publiés, concernant la saison 2015/2017, révèlent que la billetterie a rapporté 8,3 millions. Autrement dit, quand le loyer augmente entre Chaban et le Matmut d’environ 3,7 millions d’euros, les recettes matches elles ne progressent que de 1 million d’euros.

Dans le contrat PPP qui a été signé entre la société Stade Bordeaux Atlantique (le constructeur et exploitant du nouveau stade, société composée de Vinci et Fayat) et la Ville (contrat aujourd’hui transféré à la Métropole), il est prévu le mécanisme suivant :

Le loyer, hors impôt dû par la Ville est de 10,2 millions d’euros. Il faut déduire de ce montant 4,5 millions d’euros correspondant aux recettes nettes garanties par SBA. Autrement dit, la puissance publique est contractuellement tenue de verser chaque année à SBA 5,7 millions d’euros.

À ce jour, le FCGB verse bien les sommes dues, ce qui signifie que la charge nette (hors impôts) pour la Ville (qui malgré le transfert du contrat à la Métropole doit assumer la charge au titre de la loi Maptam) est d’environ 1,8 millions d’euros par an. Il existe une lettre d’intention signée par l’actionnaire et selon laquelle si les Girondins ne peuvent pas payer, c’est bien M6 qui prend le relai.

Au regard de ce montage contractuel, la vente du Club à un groupe étranger représente un risque important pour les finances publiques locales. Si, pour une raison ou pour une autre le repreneur ne verse plus le montant des loyers à la Métropole, cette dernière sera tout de même tenue, par le contrat qui la lie à SBA, de les payer. Pour que la Métropole puisse se retourner contre le repreneur, il faudrait d’abord que celui-ci ait accepté d’être caution du Club financièrement défaillant. Est-ce le cas, quelle est la nature de la garantie obtenue ? Par ailleurs, il faut également qu’il soit solvable. Quelles sont les précautions qu’a pris Alain Juppé pour s’assurer que le repreneur (dont la presse nous dit qu’il trouve d’ores et déjà les loyers trop chers) n’a pas créé une coquille vide, c’est à dire une société financièrement déconnectée du groupe auquel elle appartient ? Enfin, dans l’hypothèse où les choses se passent mal, la Métropole est-elle prête à se lancer dans un contentieux, qui va revêtir avec la nationalité du repreneur, une dimension internationale ?

Même si on ne peut que souhaiter le meilleur pour les Girondins, imaginons l’hypothèse où le fonds d’investissement dont c’est le métier de rentabiliser les sommes engagées échoue à y parvenir.

L’engagement de M6 vis à vis des Girondins était sincère mais l’actionnaire mettait aussi en jeu son image, il n’était pas possible de torpiller le Club sans risquer gros en la matière. Ce risque n’existe plus pour un fonds d’investissement, qui plus est étranger. Ce que ses propres actionnaires et les marchés lui réclament, c’est d’être rentable. Il est d’abord jugé là dessus. Un fonds d’investissement n’aura aucun scrupule à se débarrasser d’un poids mort. Si un tel scénario se produisait, non seulement le Club serait en mauvaise posture mais la Ville également, puisque dans ce cas de figure, elle devra assumer intégralement la part du loyer qui revenait aux Girondins.

Une solution, un temps envisagée par le repreneur avait été de lui vendre le Grand Stade . Cette solution aurait pu satisfaire tout le monde. D’abord, rappelons que le stade Matmut n’est le siège d’aucune activité de service public. Les écoles, les collèges ou les lycées n’ont pas le droit de l’utiliser (sauf évidemment à payer un fort loyer à SBA). Rappelons également que ce stade ne sera propriété de la Métropole qu’à l’issue du contrat, dans environ 25 ans. Compte-tenu de ces éléments et du poids que l’investissement représente dans les comptes de la Ville, il est de son point de vue intéressant de céder ce stade. La dette disparaîtrait et une bonne négociation pourrait permettre de se voir rembourser les sommes jusqu’ici dépensées. La société SBA a aussi intérêt à cette vente puisque depuis le début de son exploitation, ce stade lui coûte beaucoup d’argent dans la mesure où les recettes nettes garanties à la Ville sont plus importantes que le celles qu’elle réalise avec l’équipement. On peut regretter qu’Alain Juppé ait fermé la porte à cette option et il faudra donc encore faire avec cette épée de Damoclès qui plane au dessus des finances publiques locales.