Intervention de Matthieu Rouveyre pour le groupe socialiste lors du Conseil municipal du 24 novembre 2011.
Monsieur le Maire, mes chers collègues, Ce projet de Grand Stade que vous soumettez au vote aujourd’hui est opaque, nocif pour les finances publiques et nous vous l’annonçons aujourd’hui : nous formerons dans les jours à venir un recours contre ce projet.
1) Un projet opaque
Parmi l’un des grands mystères qui ne sera peut-être jamais résolu, celui de votre idée saugrenue, un beau matin, d’édifier un nouveau stade de football à Bordeaux financé avec de l’argent public. Personne ne le réclamait. Ni le président du Club qui a plusieurs fois répété que les Girondins n’étaient pas demandeurs. Ni les supporters. Ni les Bordelais. Ni même votre majorité.Rappelons tout de même que vous avez fondé votre campagne électorale de 2008 sur de nombreuses promesses au rang desquelles ne figurait absolument pas ce projet de stade supplémentaire.
Le besoin d’un tel équipement sportif n’a jamais été démontré. Le stade actuel n’est quasiment jamais plein. Il est même, en ce moment, sur certains matchs, plutôt vide. Et sur l’idée que le Club a besoin d’un grand équipement pour prendre de l’envergure, un expert sportif, observateur averti depuis 30 ans, a pu dire : « Un stade n’a jamais fait une équipe ». L’opacité s’est retrouvée à peu près à tous les stades de la procédure. La préparation du rapport préalable n’a fait l’objet d’aucune consultation de ce Conseil municipal. Ce rapport était d’ailleurs tellement illégal que nous sommes allés devant le tribunal administratif et vous n’avez pas eu d’autre choix que de le retirer pour en présenter un complètement nouveau. Lors de la phase du dialogue compétitif, vous avez décidé sciemment d’écarter l’opposition. Enfin, vous avez choisi un candidat sans même nous présenter le rapport d’analyse des offres nous permettant d’apprécier votre décision.
L’opacité n’est pas tout, ce projet est également extrêmement nocif.
2) Un projet nocif pour les finances publiques
Sur 30 ans, le stade va coûter, au minimum et hors taxes 467 millions d’euros. C’est l’addition des subventions initiales des collectivités et de l’État, de l’apport du club à la livraison du stade et du loyer global sur les 30 années à venir. Sur ces 467 millions, qui sont donc à la fois l’investissement, le fonctionnement et un bel enrobage de frais bancaires, le Club s’engage sur 135 millions. Autrement dit, ce stade qui va être pour l’essentiel occupé par le Club des Girondins de Bordeaux ne sera financé par lui que pour 29%. Est-ce que vous pouvez nous dire Monsieur le Maire si vous avez financé l’outil de travail d’autres entreprises bordelaises à hauteur de 70% ? Parce que le Club des Girondins de Bordeaux est d’abord une entreprise, avec un actionnaire qui est légitimement préoccupé par ses parts de marché, son image de marque et sa rentabilité. Il y a une différence pourtant entre cette entreprise de sport spectacle et n’importe quelle autre société bordelaise, ses salariés peuvent être rémunérés 300.000 euros par mois.
Un bon contrat de partenariat public privé est à notre avis d’abord celui dans lequel ne s’engage pas la collectivité territoriale. Les PPP font indéniablement peser sur une collectivité une présomption irréfragable d’insécurité juridique et financière. Un PPP moyennement acceptable est un contrat qui s’assure du partage des charges et des risques entre le public et le privé. Concernant la répartition de la charge, je viens de le dire, 70% pour la puissance publique, 30% pour l’entreprise privée, on a déjà vu des partages plus équitables. Concernant les risques maintenant. Vous nous aviez promis que jamais au grand jamais la Mairie ne serait caution des loyers dus par le Club. Vous avez, là encore, renoncé à tenir vos engagements. Vous avez été incapable d’exiger du Club qu’il présente des garanties suffisantes susceptibles de mettre la commune à l’abri en cas d’avarie du Club. Vous nous présentez une lettre d’intention qui n’a strictement aucune valeur juridique. Vous savez pertinemment que le jour où le Club ne pourra plus payer ses loyers, cette lettre d’intention qui porte parfaitement son nom ne permettra pas de mettre les Girondins devant leurs responsabilités. Vous auriez pu, vous auriez du refuser de vous engager tant que l’actionnaire du Club ne présentait pas un cautionnement en bonne et due forme. Mais non, vous avez abdiqué et vous exposez maintenant considérablement la collectivité et donc les contribuables.
Contrairement à ce que vous dites, le risque sportif n’est pas supporté par le Club mais bel et bien par le contribuable bordelais. Si M6 avait complètement foi en son équipe, elle aurait, sans sourcilier, accordé une réelle sûreté. Ces risques sont aujourd’hui loin d’être négligeables. Les principaux revenus du Club sont, on le sait, les droits audiovisuels qu’il perçoit après répartition organisée par la Ligue de Football Professionnelle. Si on regarde le compte de résultat des Girondins arrêté en 2010, donc sanctionnant l’année faste de 2009, on peut voir que les droits télé représentaient 65 M. Jetons maintenant un œil au tableau de répartition pour 2010/2011 présenté par la Ligue accorde au Club des Girondins 33,9 M, soit une baisse de 50% de la manne des droits audiovisuels. Je rappelle que le montant de l’engagement des Girondins a été établi quand l’argent coulait à flots et alors qu’aujourd’hui la source se tarit, les prévisions n’ont pas été adaptées.
Ancien ministre du budget, vous savez mieux que quiconque qu’on va droit dans le mur. Par ailleurs, même si nous ne le souhaitons pas, si jamais les Girondins sont relégués -c’est arrivé aux plus grands clubs- il ne pourra plus rien payer.
3) Nous formerons dans les jours à venir un recours contre ce projet
Dans le bilan de votre concertation, vous nous parlez de la vidéo du stade sur Dailymotion et de vos amis Facebook pour nous expliquer combien ce projet est populaire. Si vous aviez voulu être un peu plus objectif, vous auriez également rapporté que 75% des Girondins sont hostiles au financement public de ce stade, que la réunion que vous aviez dédiée il y a quelques semaines à la présentation de ce projet a été boudée, à tel point que Sud Ouest a pu écrire qu’il s’agissait d’un flop.
Nous l’avons dit plusieurs fois. Nous ne sommes pas hostiles à un Grand Stade à Bordeaux, nous disons seulement que l’argent public n’a rien à faire dans cet investissement. C’était d’ailleurs également une opinion partagée par Philippe Seguin quand il était Président de la Cour des Comptes. Les risques sont si importants pour Bordeaux et les Bordelais, le contrat est tellement au désavantage de la puissance publique qu’encore une fois, nous prendrons le chemin des tribunaux. Lorsque nous avons attaqué le premier document de procédure, autrement dit le « Rapport d’évaluation préalable », nous vous avons obligé à ajouter un certain nombre de préalables qui protégeaient les contribuables, c’est notamment le cas la clause de service public ou celle de développement durable par exemple.
Aujourd’hui, parmi les illégalités qui frappent ce contrat, je n’évoquerai qu’un seul point. Ce projet comporte des milliers de pages d’annexes mis à disposition des élus. Il manquait toutefois un document fondamental. Un document que je vous ai réclamé la semaine dernière et que j’ai finalement obtenu. Mais curieusement, chacune des pages de ce document est ornée de la mention « Confidentiel ». Le secrétaire général de la ville m’adresse même un petit mot « J’attire votre attention sur le caractère confidentiel de ce document ». Qu’est-ce qui est tellement confidentiel et pourquoi ? Il s’agit du rapport d’analyse des offres, c’est à dire l’étude qui a comparé les propositions des différents candidats admis à poursuivre la procédure. Ce document qui fonde votre choix est simplement une mascarade. Il fait 12 pages pour un projet, je le rappelle qui va coûter presque 500 M et engager la commune pendant 30 ans. C’est à peine plus épais que le rapport d’analyse des offres présentées en commission d’appel d’offres pour décider de quel modèle de machine à tondre la pelouse. Par ailleurs, certaines phrases sont redondantes mais surtout un critère essentiel a été oublié. En effet, l’article 1414-13 du Code général des collectivités territoriales énonce que « parmi les critères d’attribution du contrat figure nécessairement la qualité globale des ouvrages » c’est à dire notamment l’aspect sécurité et respect de la réglementation, l’accessibilité handicap, l’aspect fonctionnel, … Dans ce rapport d’analyse des offres, ce document qui a en principe fondé votre choix est dépourvu d’un critère fixé par la loi comme particulièrement important et devant être « nécessairement » présent.
Pour conclure, vous l’aurez compris, nous ferons ce qui est en notre maigre pouvoir pour, aux côtés de la majorité des Bordelais, faire échec à cette injuste et infondée contribution publique en faveur de cet équipement. Si le groupe M6 veut un Stade, qu’il se le paye. Votre mission Monsieur le Maire est de protéger les Bordelais, tout particulièrement en temps de crise mais là, vous les exposez à des risques importants et inutiles.