Vouloir donner le nom d’une personne publique au nouveau stade de Bordeaux révèle au mieux une profonde méconnaissance du contrat auquel il est adossé, au pire une opération démagogique à la limite de l’indécence. Dans les deux cas, cette idée fait de ceux qui la défendent des alliés objectifs du grand capital, ce qui peut paraître un comble quand on sait qu’elle est portée par le groupe communiste de Bordeaux.
La Ville de Bordeaux s’est engagée dans le cadre d’un contrat de partenariat public privé (PPP) à régler à la société de projet Stade Bordeaux Atlantique (Vinci/Fayat), en plus des 75 millions d’euros de subventions publiques, une redevance annuelle de 14,5 millions euros (impôts compris) pendant 30 ans. Le constructeur s’engage pour sa part à déduire de ce loyer une partie des recettes nettes tirées de l’exploitation du stade pour un montant de 4,5 millions d’euros. Par ailleurs, la contribution des Girondins de Bordeaux est de 3,8 millions d’euros sous forme de loyer versé à la Ville. Sous réserve que tout le monde respecte ses engagements, il reste donc, chaque année, à la charge de la commune la somme de 6,2 millions d’euros.
Les 4,5 millions d’euros annuels de recettes reversés à la commune par le constructeur (par ailleurs exploitant) sont contractuellement garantis. Autrement dit, si l’exploitation ne lui permet pas de dégager un tel revenu, il est tout de même contraint de les régler à la Ville. Le contrat nous apprend que SBA compte sur trois types de recettes : le loyer des boutiques installées dans le stade, le prix des places des spectacles (concerts en particulier) et le produit du naming. Vendre le nom du stade à une entreprise pourrait ainsi rapporter environ 2,5 millions d’euros par an (à Lille, le naming devait générer 3,5 millions avant que la communauté urbaine décide curieusement de s’en passer).
On sait qu’aucune entreprise ne s’est encore portée candidate pour le naming, ce qui place Vinci/Fayat dans une position financièrement inconfortable (la rentabilité du PPP restera très bonne mais un peu moins que si la société de projet trouvait une entreprise prête à donner son nom au stade). Faute de candidat au naming, une porte de sortie inespérée pour SBA serait un avenant au contrat qui déduise des recettes nettes garanties mises à sa charge le montant attendu du naming. Or, la seule hypothèse dans laquelle la Ville pourrait accepter de renoncer à 2,5 millions d’euros par an est celle où son Maire déciderait de donner au nouveau stade le nom d’une personne publique. On peut alors imaginer que Vinci voit d’un très bon œil la proposition des communistes. Le contribuable quant à lui sera encore le dindon de la farce car la facture annuelle pour ce stade sera de 2,5 millions d’euros de plus, soit 8,7 millions !
Sous réserve que le contrat ne soit pas annulé à la suite du recours que nous avons formé, le stade sera exploité en PPP pendant 30 ans. Lui donner le nom de Nelson Mandela, c’est se priver de 75 millions d’euros d’argent public. Combien cela représente-t-il d’écoles, d’équipements de proximité au service de tous, combien d’actions en faveur des plus modestes et pour la lutte contre les discriminations ? Si on pouvait encore interroger l’homme qui a mis fin à l’apartheid, quel choix nous préconiserait-il ?