Asma* élève seule ses deux filles, âgées aujourd’hui de 12 et 17 ans. Depuis 11 onze ans, elles occupent un 30 m2 dans le quartier Saint-Michel de Bordeaux, loué par un propriétaire privé. L’électricité n’est pas aux normes si bien que deux appareils électriques branchés simultanément provoquent une coupure généralisée. Les infiltrations sont nombreuses et l’isolation inefficace. Les souris ont pris possession des lieux et depuis le temps, elles se jouent des pièges et sont immunisées contre le poison. Bien entendu, il n’y a pas de chauffage et ce soir, Météo France annonce -7° dans la capitale girondine.
Des situations comme celles-ci, nous y sommes régulièrement confrontés. En tant que Conseiller général, je reçois lors de mes permanences, chaque mois, une bonne quinzaine de familles dont la détresse a pour origine l’absence de logement ou bien un logement insalubre. Systématiquement, je m’assure que les dossiers ont été correctement remplis et j’interviens auprès des bailleurs sociaux. Mais souvent, je me vois opposer la même réponse : « nous n’avons rien à offrir ». La pénurie de logements n’est pas seulement un élément d’une équation macroéconomique, elle est directement responsable de souffrances, de malheurs, de mal-être pour de nombreux de nos semblables.
Ma conviction est que la question du logement en France peut être résolue à la condition toutefois qu’il y ait une réelle volonté politique. Le droit au logement supposé garanti par l’État restera une chimère tant que ne sera pas décidé un vrai plan Marshall de l’habitat. En matière de politique du logement, les collectivités territoriales comme la CUB ou le Conseil général font des efforts. Mais comme toutes politiques volontaristes, elle devient une variable d’ajustement réduite à peau de chagrin en période de crise budgétaire.
La dignité est un principe à valeur constitutionnelle mais elle suppose en tout premier lieu l’accès à un logement décent. Asma est engagée dans une formation d’aide-soignante mais la situation de sa famille lui pèse et son esprit est davantage préoccupé par la température qu’il va faire ce soir que par la préparation de son concours. Ses deux filles doivent rester couvertes quand elles arrivent à l’appartement et travailler ses devoirs dans ces conditions relève de l’exploit. Le matin, elles affrontent toutes trois une journée difficile après une nuit à se battre avec les rongeurs qui se faufilent dans les lits. Chaque jour, c’est un peu de leur motivation qui disparaît et c’est un pas de plus vers le piège de la dépression.
Asma est pudique mais elle a toutefois accepté de témoigner. Aujourd’hui, France 3 régional évoquera (cf le sujet “Bordeaux : une famille sans chauffage“) sa situation et j’espère que le reportage mettra une pression suffisante sur la Préfecture pour que cette famille ne dorme pas une nuit de plus dans son taudis.
*J’ai changé le prénom pour préserver l’anonymat de la famille.