Si j’étais atteint du virus de la paranoïa je dirais qu’un des sujets du journal de TV7 de ce 15 avril au soir est une belle œuvre de propagande politique au service d’Alain Juppé. En réalité, je crois surtout que la complexité du sujet et la mauvaise foi de la mairie de Bordeaux ont mis en déroute la journaliste, auteure dudit sujet.
Je maintiens mes propos : la Mairie de Bordeaux n’a aucune espèce de politique d’abattement fiscal pour les personnes modestes ou invalides. TV7 fait référence au Conseil municipal du 14 avril et revient en particulier sur le débat autour des abattements fiscaux pratiqués ou non par la mairie de Bordeaux. Dans un long billet, j’ai soutenu que contrairement à ses affirmations, le Maire de Bordeaux n’a absolument pas mis en œuvre ces abattements fiscaux facultatifs sur la taxe d’Habitation pour les personnes aux revenus modestes. Et je demandais qu’on décide de mettre en place deux types d’abattements fiscaux appartenant à la famille des abattements facultatifs : l’abattement fiscal général à la base pour ces personnes modestes et l’abattement spécial pour les personnes invalides.
TV7 n’a pas pris le soin de me solliciter avant ce sujet (alors que j’avais été interrogé la veille sur la question plus générale du vote des taux) pour obtenir mon point de vue. Ce média reprend donc sans questionnement la version d’Alain Juppé selon laquelle la ville de Bordeaux pratique une politique sociale par l’intermédiaire de ses abattements facultatifs. Un peu par fierté je l’avoue, mais surtout parce que j’estime que le sujet est essentiel et l’explication importante, je vais développer l’erreur de TV7 en essayant d’être le plus précis possible.
Penchons-nous sur l’article 1411 du Code général des Impôts. I. La valeur locative afférente à l’habitation principale de chaque contribuable est diminuée d’un abattement obligatoire pour charges de famille. Elle peut également être diminuée d’abattements facultatifs à la base. Ce I de l’article 1411 du CGI revient sur la distinction abattement obligatoire / abattements facultatifs. On notera que l’une et l’autre de ces familles d’abattements sont cumulables. II. 1. L’abattement obligatoire pour charges de famille est fixé, pour les personnes à charge à titre exclusif ou principal à 10 % de la valeur locative moyenne des habitations de la commune pour chacune des deux premières personnes à charge et à 15 % pour chacune des suivantes. Ces taux peuvent être majorés de 5 ou 10 points par le conseil municipal. C’est dans cet alinéa que la confusion peut avoir lieu. En effet, dans ce deuxième alinéa, on lit que le Conseil municipal a une faculté d’aller au-delà des 10% prévus par la loi pour cet abattement obligatoire. Mais cette faculté n’en fait pas pour autant un abattement facultatif. Et on constate que la plupart des villes vont au-delà de ces 10%.
Alain Juppé explique que la Mairie de Bordeaux a une formidable politique d’abattement fiscal en prenant l’exemple d’une famille avec trois enfants. Je propose que nous comparions trois hypothèses :
a) les abattements obligatoires pour cette famille tels qu’appliqués aujourd’hui par la Mairie de Bordeaux,
b) les abattements obligatoires minimum,
c) les abattements obligatoires maximum.
a) Une famille bordelaise avec trois enfants bénéficie aujourd’hui d’un abattement fiscal de 45% soit 15% pour la première personne à charge et 15% pour les suivantes : 15% + 15% +15% = 45
b) Une famille bordelaise avec trois enfants, sans coup de pouce de la Mairie bénéficierait d’un abattement de 40% soit 10% pour la première personne à charge et 15% pour chaque des deux autres.
c) Une famille bordelaise avec trois enfants pourrait, si la Mairie le souhaitait, bénéficier d’un abattement de 65%. Les 10% minimum pour les deux premières personnes à charge peuvent être portés à 20% (10% + 10 points), les 15% à partir de la troisième personne à charge peuvent être portés à 25% (15% + 10 points). Si on reprend notre famille avec trois enfants, nous obtenons une possibilité d’abattement obligatoire de 20% + 20% + 25% soit 65%.
Autrement dit, on est loin de faire bénéficier aux familles bordelaises du maximum offert par la loi. Vous avez dit volontarisme en faveur des familles ?
L’abattement facultatif à la base, que le conseil municipal peut instituer, est égal à 5, 10 ou 15 % de la valeur locative moyenne des habitations de la commune. Cet article est intéressant parce qu’il souligne l’opacité du calcul de la Taxe d’Habitation. On a d’un côté un article qui nous dit que le Conseil municipal doit voter cet abattement (ce que nous n’avons pas fait) et qu’il est au maximum de 15%. D’un autre côté, il semblerait que cet abattement soit de 20%. Enfin, tout cela est compliqué parce que les mentions portées sur les avis d’imposition font état d’un abattement forfaitaire. Dans tous les cas, il semble que cette opacité bénéficie aux contribuables bordelais. On ne va certes pas s’en plaindre mais cet abattement n’est pas celui qui nous intéresse dans notre démonstration, car il s’applique à toutes personnes redevables de la TH sans distinction de ressources.
Sans préjudice de l’application de l’abattement prévu au 2, le conseil municipal peut accorder un abattement à la base de 5, 10 ou 15 % aux contribuables dont le montant des revenus de l’année précédente n’excède pas la limite prévue à l’article 1417 et dont l’habitation principale a une valeur locative inférieure à 130 % de la moyenne communale. Ce pourcentage est augmenté de 10 points par personne à charge à titre exclusif ou principal. Nous revenons à une de mes revendications au Conseil municipal : prendre en compte les ressources des personnes pour leur faire bénéficier d’un abattement facultatif supplémentaire. Pour elles, je demandais 15% (le maximum). Lors du Conseil, Monsieur Martin, adjoint aux finances m’a répondu : “Chiche, on est déjà à 20%”. Le problème est qu’il l’a confondu avec l’abattement général à la base pour tous sans condition de ressource. Pourtant, comme on le voit bien, ces deux abattements ne sont pas exclusifs l’un de l’autre.
3 bis Sans préjudice de l’abattement prévu aux 2 et 3, les conseils municipaux peuvent, par une délibération prise dans les conditions prévues à l’article 1639 A bis, instituer un abattement de 10 % de la valeur locative moyenne des habitations de la commune aux contribuables qui sont : > > 1° Titulaires de l’allocation supplémentaire d’invalidité mentionnée à l’article L. 815-24 du code de la sécurité sociale ; > 2° Titulaires de l’allocation aux adultes handicapés mentionnée aux articles L. 821-1 et suivants du code de la sécurité sociale ; > 3° Atteints d’une infirmité ou d’une invalidité les empêchant de subvenir par leur travail aux nécessités de l’existence ; > 4° Titulaires de la carte d’invalidité mentionnée à l’article L. 241-3 du code de l’action sociale et des familles ; > 5° Ou qui occupent leur habitation avec des personnes visées aux 1° à 4°. C’est une autre des réclamations que je faisais au Conseil municipal … et que le Maire a balayé d’un revers de manche.
15 avril 2008
Merci pour ces explications. Je crois qu’il y a un petit problème à TV7. C’est une télé qui connait des difficultés financières comme beaucoup de médias. Récemment TV7 a fait l’objet d’un plan social … mais personne n’en a parlé, les confrères ont gardé ça sous silence : à charge de revanche.
Certains journalistes sont mis au placard … ce qui est dommage c’est qu’il s’agit de journalistes politiques qu’on envoie couvrir les évènements sportifs. Des programmes ont disparu. La qualité n’est plus là (quand on a plus de preneur de son, forcément …). Et bien entendu, il est plus compliqué de vérifier les informations quand les journalistes sont au four et au moulin.
Je connais votre sérieux et j’ai souvent plaisir à vous entendre ou vous lire. Je crois savoir que la rédaction n’a rien à votre encontre même si les chefs comme souvent dans les médias locaux penchent davantage du côté du pouvoir. Je crois que vous pâtissez un peu de votre âge. Dans tous les cas : gardez le cap, s’il vous plait.