Sur des friches militaires et ferroviaires de la Bastide, quelques pionniers ont planté en 2010 une graine à qui ils ont donné le nom du célèbre naturaliste anglais. Très rapidement, elle a germé pour devenir une espèce à part entière autour de laquelle un réel écosystème s’est construit. Le projet Darwin est ainsi défini par Bordeaux Tourisme : « lieu bordelais alternatif dédié au développement économique responsable, à l’entrepreneuriat social, à la transition écologique et à l’activisme citoyen ».
À l’époque, les autorités locales avaient vendu une partie de la friche aux créateurs de Darwin et signé avec eux une convention d’occupation temporaire du domaine public pour d’autres parcelles. Temporaire parce qu’une ZAC était en gestation. C’est précisément parce que l’accouchement est pour bientôt qu’il est demandé à Darwin de libérer les lieux. Le projet est de bétonner. Les espaces ont été vendus à des promoteurs immobiliers.
Le béton va tout emporter sur son passage : un skate park (pourtant financé à hauteur de 150.000 euros en 2013 par la Ville de Bordeaux), une ferme urbaine et une quarantaine d’associations dont Emmaüs, très active en Gironde aux côtés des plus démunis. Non seulement toutes ces associations vont se retrouver à la rue (puisque la Ville n’a formulé aujourd’hui aucune proposition concrète de relocalisation) mais c’est tout l’écosystème qui est menacé.
Pour presser Darwin de faire place nette, Alain Juppé explique que « des problèmes de sécurité et des flous juridiques doivent être résolus. ». Il est piquant de voir le Maire de Bordeaux aujourd’hui s’émouvoir d’une situation juridique qui jusqu’ici ne lui posait aucun problème, peut-être aussi parce que Darwin contribue grandement au prestige de la Ville, salué par les différents palmarès qu’Alain Juppé était fier d’exhiber pendant la campagne des Primaires.
Concernant l’aménagement, le Maire de Bordeaux rappelle que la ZAC a été décidée par les élus et que « Darwin n’a pas reçu pour mission de définir l’aménagement de la ville de Bordeaux ». Précisons que la décision de la Métropole (CUB à l’époque) date de 2009 et que depuis quelque chose de fondamentalement nouveau a émergé à Bordeaux.
La théorie de Charles Darwin est que l’évolution se fait par sélection naturelle. Ce sont les animaux les plus adaptés à leur milieu qui survivent. Je ne souhaite pas que l’homo betonnus soit la nouvelle espèce dominante. Darwin est une expérience incroyable, un poumon pour la Ville. Abimer Darwin, c’est abimer Bordeaux. Il faut sauver Darwin.