Insulter les élus de la République : la nouvelle mission des Préfets ?

__« Vos propos ne sont pas dignes d’une élue de la République »* Dominique Schmitt, Préfet de la Région Aquitaine à Naïma Charaï, Conseillère régionale__

((/v2/public/2009/septembre/mariane.jpg|Liberté Egalité Fraternité|L|Liberté Egalité Fraternité, sept. 2009)) Le 22 septembre au soir, l’Association Pour l’Accueil des Femmes En Difficulté inaugurait les nouveaux hébergements d’urgence à Cenon (33) qu’elle va gérer au bénéfice des femmes victimes de violences conjugales. A cette occasion, plusieurs personnalités politiques étaient invitées à représenter les institutions qui ont cofinancé ces lieux d’accueil. Parmi elles, se trouvaient Naïma Charaï, Conseillère Régionale d’Aquitaine déléguée à la lutte contre les discriminations, Edith Moncoucut, Vice-Présidente du Conseil Général de la Gironde en charge de la solidarité et Dominique Schmitt, Préfet de Région. Dans leurs discours, Naïma Charaï et Édith Moncoucut ont interpellé le représentant de l’Etat. Mme Moncoucut expliquait qu’avec la disparition de la clause de compétence générale proposée par la réforme de Nicolas Sarkozy, le Conseil Général ne pourrait plus financer les projets comme celui de l’APAFED. En effet, l’hébergement d’urgence est de la compétence de l’Etat et quand le Conseil Général vient en financement, il s’agit de volontarisme politique permis par la clause de compétence générale. Madame Charaï signalait quant à elle qu’il était quasi impossible à des femmes d’origine étrangères victimes de violences conjugales de se voir délivrer par la préfecture un titre de séjour en France. Ironiquement et en écho à de récentes déclarations du Ministère de l’Intérieur, elle souligna que quand il y en a une, ça va, c’est quand il y en a plusieurs que cela pose problème. C’est alors que le Préfet est sorti de ses gonds et a tenu à admonester les deux insolentes. A Édith Moncoucut, il a expliqué qu’il fallait peut-être que le Conseil Général remplisse correctement ce qui relève de ses compétences obligatoires avant de vouloir œuvrer dans le champ du facultatif. Il a ensuite nié les affirmations de Naïma Charaï quant à la délivrance des titres de séjours aux femmes battues et s’est posé en fervent défenseur de Brice Hortefeux qu’il connaissait parfaitement et qui « respectait les musulmans ». La réaction du Préfet respire la mauvaise foi absolue. En effet, depuis sa prise de fonction, le Préfet n’a jamais adressé le moindre reproche officiel au Conseil Général quant à la manière dont il remplissait ses missions. Concernant la régularisation de femmes sans-papiers mariées en France et victimes de violences, associations et élus peuvent témoigner de l’impasse administrative dans laquelle la Préfecture les place. Répondre aux déclarations inadmissibles de Monsieur Hortefeux par un « il respecte les musulmans, il fait même les ruptures de jeûne » relève de connexions étranges qu’il ne vaut mieux pas qualifier ici. En plus d’être malhonnête, la réponse du Préfet est, sur le ton, musclée. Toutefois, elle demeure compréhensible de la part d’un représentant de l’État qui se fait par ailleurs un devoir de défendre son ami et ministre de tutelle. La suite est en revanche plus grave. Pour conclure ses remontrances à l’endroit de Naïma Charaï, le Préfet lui a lancé qu’elle n’était pas digne d’être élue de la République ou que ces propos n’étaient pas dignes d’une élue. Et il faut en revenir au contexte : le Préfet tient ses propos en public, devant une assemblée associative qui est en contact quotidien avec des femmes battues par leurs conjoints qui estiment qu’elles ne leur sont pas égales. Quand le Préfet s’arroge un pouvoir qui ne lui appartient pas pour considérer qu’une élue n’est pas digne de l’être, c’est-à-dire qu’elle serait dans les faits moins que ce qu’elle est aujourd’hui, il procède exactement de la même manière que ces crétins de bonshommes qui infériorisent leurs femmes pour justifier leur violence. Seul le peuple français peut dire si une personne est digne ou non d’être élue et qu’un serviteur de l’État, qui n’a pas été choisi par le peuple, se permette de distribuer ou de retirer des points de dignité politique me semble surréaliste. Qu’il me soit permis de penser que jamais le Préfet n’aurait eu une telle réaction si les propos de Naïma Charaï ou ceux d’Édith Moncoucut avaient été tenus par le Président de la Région ou celui du Conseil Général qui tous deux doivent largement partager le fond du discours contesté. J’invite pour ma part le Préfet à adresser ses excuses à l’intéressée et à méditer ses propos honteux. J’espère qu’ils ne relèvent que d’une fatigue passagère et qu’il ne faut pas chercher des raisons plus obscures. Je souhaite enfin que la réaction du Préfet ne préfigure pas de nouvelles relations entre l’autorité déconcentrée de l’État et les élus locaux. *propos exacts

  1. 25 septembre 2009

    bien le préfet ! quand un représentant de l’Etat pète les plombs à ce point, c’est franchement inquiétant !

  2. 25 septembre 2009

    Depuis l’Afrique du Sud où je suis en mission pour Valued Citizen, je lis ton blog … et je suis furieuse … Le 11 février 1990, Nelson Mandela sort de prison après y avoir passé 27 ans de sa vie. Il demanda alors aux sud-africains de le rejoindre pour construire un Afrique du Sud unie, libre et démocratique et qu’ils devaient la construire ensemble. Alors c’est vrai parfois je déteste ce pays, comme il m’arrive de détester ce que nous faisons de la France en ne défendant pas les valeurs qui en sont sa force. Mais je ne peux qu’ y retourner dans l’un comme dans l’autre car c’est là que je retrouve les fondement de ce pourquoi je me bats depuis bien longtemps : la liberté, l’égalité, la fraternité et la laïcité. L’humanité est forcément à ce prix et lorsque je lis ton excellent billet Matthieu relatant les propos d’un Préfet, le notre, qui se permet de dire à Naïma Charaï, Conseillère Régionale élue par le peuple qu’elle n’est pas digne d’être une élue de la République, je me dis qu’il est grand temps que nous devenions des Valued Citizens ! Amitiés

  3. 25 septembre 2009

    Cet évènement illustre parfaitement l’idée que la colère est un très mauvais argument.
    Une blague inconvenante d’un ministre, un doigt d’honneur d’un autre ministre… décidément, cette équipe manque sérieusement d’arguments.

  4. 28 septembre 2009

    Ce comportement d’un représentant de l’Etat me révolte !
    Tu fais bien de le dénoncer ! Nous voulons que ce préfet fasse des excuses à Naïma et à tout le peuple français !
    C’est une honte !

  5. 28 septembre 2009

    Le préfet ne présentera pas d’excuses :

    “Mais surtout, en s’adressant à l’élue régionale, il lui a effectivement dit que sur ce sujet qui n’avait rien à voir avec la question du jour, “ces propos n’étaient pas dignes d’une élue responsable”. Le préfet nous précise que le fait de défendre le Président de la République, les membres du gouvernement et tous les représentants de l’Etat, dont les maires eux-mêmes, fait partie intégrante des missions du représentant de l’Etat dans son département. Par conséquent, il ne présentera pas ses excuses à Naïma Charaï, comme elle l’espère.”

    http://www.aqui.fr/politiques/les-r