Les paniers frais AMAP entrent en ville, SudOuest 03/09/09

((/v2/public/logo.jpg|Logo Sudouest.com||Logo Sudouest.com, mai 2009)) Salades, courgettes, tomates et radis, même un potimarron, quelques concombres en prime. La ratatouille n’est pas loin. Mercredi soir, devant la maison de retraite Villa Pia du quartier Saint-Genès à Bordeaux, on a garé les jolis vélos et les poussettes pour bébé. Une cinquantaine de familles a découvert son premier panier, signé AMAP. Dans la joie et l’allégresse. AMAP ? Association pour le maintien de l’agriculture paysanne. Dans le rôle du paysan, Rémi Doux, producteur à Bazas. Pour lui, il s’agit d’une première aussi. Dans le rôle des clients : de jeunes couples avec enfants blonds. Tous du quartier À l’origine de la création de cette AMAP, la seconde à Bordeaux, une jeune mère de famille, Clara Azevedo. « Je vis dans ce quartier et depuis deux ans, je cherchais à monter une AMAP. Bénévole à la maison de retraite Villa Pia, j’ai pensé que le site était idéal, le directeur est très ouvert à toutes les initiatives extérieures. Du coup, j’ai pensé : croisement des générations, etc. » Le concept AMAP lui plaît bien, elle en parle à Matthieu Rouveyre, conseiller général socialiste du canton, ce dernier l’encourage, tente de lui ouvrir les portes qu’il peut. Le plus difficile sera pour Clara de dénicher un producteur local concerné. Un parcours de la combattante qu’elle va mener, tête en avant sans jamais lâcher. « J’ai commencé en février 2009 et une fois trouvé Rémi Roux, j’ai bataillé pour le convaincre. Il pratique une agriculture raisonnée, avec très peu de pesticides et un minimum d’engrais. Il utilise du compost naturel, des choses comme ça. Au mois de juin les familles ont commencé à s’inscrire. D’abord, les mères de famille de l’école de mes enfants, puis d’autres, autour d’elles. Aujourd’hui, nous avons une dizaine de familles en liste d’attente et 55 adhérents inscrits. La plupart sont des jeunes couples avec enfants, d’un milieu socioprofessionnel plutôt… aisé et tous du quartier. En plus d’adhérer au projet AMAP, d’acheter des produits sains et frais, cette initiative est créatrice de lien social. » Envie de bons produits Voilà Martine, régisseur lumière dans le spectacle. Elle est arrivée avec son panier en osier. Tout sourire. « Il s’agit pour moi d’une prise de conscience. On veut dire stop aux pesticides et aux produits formatés. Le fait d’acheter directement à un producteur me plaît. Sinon je participe à des cueillettes dans des champs, le week-end. C’est au-delà du panier de légumes, on vient retrouver des choses perdues. Il y a des enfants partout, c’est beau non ? ». À côté de sa camionnette, Rémi Doux, le producteur observe la distribution. Les cageots partent comme des petits pains. Avec patience et amabilité, il répond aux questions des clients. « Et vos salades, vous les protégez comment des limaces ? » Ce genre de questions, ce sont plutôt les maris qui les posent. Tandis que les épouses papotent entre elles. Donc Rémi Doux participe pour la première fois à une AMAP. « J’ai une exploitation à Bazas et un magasin où je vends en direct et sur place, sans intermédiaire. Je vends aussi aux restaurants de la ville. En fait, depuis deux ans, je suis harcelé par des gens qui veulent monter des AMAP et cherchent des producteurs. Jusque-là j’ai toujours dit non. C’est beaucoup de boulot en plus. Finalement, Clara Azevedo a réussi à me convaincre. Pourquoi elle ? Elle a insisté et j’ai voulu tenter le coup cette fois. J’ai limité le nombre d’adhérents à 40-50. J’ai un contrat pour six mois. Pour moi, il s’agit d’une autre façon de vendre mes produits par des circuits raccourcis. » Les AMAP se heurtent à la difficulté de trouver des producteurs de qualité dans la région, et aussi diversifié. Certains se spécialisent dans un ou deux légumes, ne font que des fraises ou que des tomates par exemple. Rémi Doux lui fait pousser de tout, et respect strictement les saisons. « Les clients redécouvrent la saisonnalité des produits, c’est très pédagogique », note-t-il. Un panier pour 13 euros Mercredi au coeur du quartier Saint-Genès, les paniers ont filé. Il n’est pas resté une seule tomate. Les adhérents sont tous venus chercher leurs produits de la semaine. Avec Rémi Doux, la crémière Marlène Serrano, de Courpiac, est venue proposer une sélection de fromages artisanaux. Il y aura des volailles, de la viande, des oeufs très bientôt. Clara espère bien que les familles sur liste d’attente trouveront bientôt leur bonheur. Où iront s’inscrire ailleurs, dans un autre quartier. Barrière de Pessac par exemple où le lendemain soir, jeudi ouvrait la première distribution d’une autre AMAP. Dans la salle Amédée Larrieu, une cinquantaine de familles ont inauguré cette troisième AMAP du centre-ville de Bordeaux. La première AMAP qui a vu le jour est celle du marché Victor-Hugo, chaque jeudi soir, avec une cinquantaine de contrats signés. Au cinéma l’Utopia, une autre distribution de paniers, directement du producteur au consommateur fonctionne depuis déjà longtemps. Pas une AMAP, mais encore un circuit court. D’autres projets AMAP sont en gestation, notamment au quartier Nansouty. On ne les arrête plus. « Il faut maîtriser l’engouement » En deux ans, le nombre d’AMAP en Gironde a basculé de 9 à… 33. Une flambée que les responsables de l’association ont du mal à contenir. Les associations pour le maintien de l’agriculture paysanne partent de l’initiative de consommateurs et répondent à trois fonctionnements essentiels : le lien direct, social et financier entre le consommateur et le producteur, le contrat signé entre le producteur et le consommateur décrivant les prix, les produits, les conditions de livraison et le pré-achat de la récolte à venir, garant de la sécurité du producteur et de la qualité des produits. Dans l’agglomération bordelaise, il y a une AMAP à Blanquefort, Gradignan, Bruges-Le Bouscat, Pessac, Bègles, Villenave-d’Ornon, Saint-Médard-en-Jalles et désormais trois à Bordeaux-centre. Gaëlle Bertoneche, responsable du secteur ajoute que la communauté urbaine bordelaise est en cours de création de sa propre AMAP. « C’est plus compliqué de fonctionner avec des urbains, lâche-t-elle. Le contrat implique une engagement avec le producteur, pas seulement l’assurance d’acheter un panier de bons produits. En ville, les consommateurs sont contents des paniers mais ne s’impliquent pas forcément assez auprès des producteurs. La relation de confiance et de solidarité est absolument indispensable au bon fonctionnement d’une AMAP. Certes, les créations d’AMAP flambent mais il nous faut maîtriser cette flambée, à ce jour, nous manquons de producteurs qui répondent à nos exigences… » Auteur : ISABELLE CASTÉRA