Je ne sais pas ce qui me laisse le plus pantois. L’annonce de Marisol Touraine de conditionner l’ouverture au don du sang aux homosexuels à une période d’abstinence d’une année ou bien l’accueil favorable d’une telle mesure par des associations et militants LGBT ?
En 2012, « Homosexualité et socialisme » posait cette question au candidat François Hollande : « Mettrez-vous fin à l’exclusion des gays du don de sang ? Si oui, quand ? ». Sa réponse est concise : « Oui, dès 2012 car il s’agit d’une discrimination qui n’a aucune justification scientifique et repose sur la confusion entre « orientation sexuelle » et « comportement sexuel ».
Ce 4 novembre 2015, la Ministre de la santé annonçait la levée de l’exclusion automatique des homosexuels au don du sang. Elle rajoutait toutefois que « dans un premier temps, le don du sang sera ouvert aux homosexuels n’ayant pas eu de relations sexuelles avec un autre homme depuis douze mois […] Les premiers dons nous permettront de réaliser des études et, s’il n’y a pas de risques, les règles qui s’appliquent aux homosexuels seront rapprochées des règles générales l’année qui suit. ».
La confrontation de la réponse de François Hollande à la déclaration de Marisol Touraine révèle deux contradictions, l’une concerne le volet sanitaire, l’autre l’amalgame entre orientation sexuelle et comportement sexuel.
Sur le volet sanitaire, le candidat François Hollande affirmait qu’aucune donnée scientifique ne permettait de penser que le sang d’un donneur homosexuel était potentiellement plus dangereux que celui d’un donneur hétérosexuel. Les faits lui donnaient raison. Les pays permettant aux homosexuels de donner leur sang n’ont repéré aucun cas de contamination depuis qu’ils ont levé l’interdiction. La position aujourd’hui tenue par Marisol Touraine est de maintenir la présomption inverse. Pour elle, le sang d’un homosexuel est réputé plus risqué que celui d’un hétérosexuel. Certes, on nous annonce la fin prochaine de l’exclusion systématique des personnes homosexuelles au don du sang mais la condition posée rend ce progrès parfaitement virtuel. Sa clause de revoyure à 2017 ne peut pas nous tromper, la Ministre de la santé maintient pour le moment une position que toutes les associations concernées considéraient jusqu’ici comme homophobe.
Sur l’amalgame, le candidat Hollande avait raison de distinguer comportement et orientation sexuelle car le danger ne réside pas dans l’orientation mais bien dans le comportement sexuel. D’ailleurs, lorsqu’il était dans l’opposition, c’était aussi ce qu’exprimait le Parti socialiste. Ainsi, en 2009, pour dénoncer le recul de la droite sur ce sujet, il écrivait : « Sans méconnaître les chiffres faisant état de risques supérieurs dans la population homosexuelle, le Parti socialiste refuse que l’on confonde les populations dans leur ensemble et les pratiques à risque. Cette confusion est à la fois discriminatoire et inefficace. Elle est discriminatoire, car on assimile tout homosexuel à un porteur de risque. Les pratiques à risque ne les concernent évidemment pas tous et les hétérosexuels peuvent aussi avoir des pratiques à risque. Le message ainsi donné à la population est que tout homosexuel, quelles que soient ses pratiques, est un séropositif potentiel. ».
Le plus troublant, ce sont les quelques associations et militants LGBT qui arrivent à y déceler une avancée. Sommes-nous à ce point résignés pour voir dans cette position un « progrès solide » ? Même à croire que la promesse d’une égalité de traitement au début de l’année 2017 soit vraie, était-elle suffisante pour accepter, voire saluer une période de transition homophobe ?