Ce lundi 28 septembre se tenait le Conseil municipal de rentrée à Bordeaux. Malgré le nombre important de délibérations, il n’y avait pas de sujets véritablement épineux pour le Maire. Il y avait certes des dossiers sensibles dont on pouvait s’emparer mais chacun avait déjà fait l’objet d’interventions de notre groupe. Qu’il s’agisse du triste état de l’école de la Benauge soulevé par Emmanuelle Ajon, le controversé contrat de concession du parking des Grands Hommes rappelé par Nicolas Guenro ou encore l’affaire du balcon de Ginko mentionnée par Michèle Delaunay ou Vincent Feltesse, ces éléments étaient connus. Bien entendu, le Maire pouvait ne pas aimer qu’on l’interroge sur sa responsabilité mais rien ne justifiait qu’il perde ses nerfs jusqu’à décider, de sa propre initiative, une suspension de séance.
Cette interruption arrive à l’occasion de la délibération concernant le Contrat de ville et après que je lui rappelle le nombre de projets et d’équipements abandonnés. Je cite pêle-mêle le manque de logements sociaux, la suppression de la maison de l’emploi à Saint-Michel, l’état lamentable du square Pinçon, les places André Meunier et Ravezies dont les travaux ont été interrompus pour la première, déprogrammés pour la seconde. J’évoque d’autres chantiers à l’arrêt : le groupe scolaire des Bassins à Flot, les gymnases Victor Hugo, Charles-Martin et Armagnac mais aussi la maison des danses à Ginko, la piscine Galin ou le stade du même nom.
Alain Juppé commence sérieusement à s’énerver mais parvient encore à se maîtriser et explique qu’il ne répondra pas à cette tirade tout en se félicitant d’avoir inauguré la Halle des Douves et de bientôt pouvoir en faire autant pour le théâtre La Lucarne. Je reprends la parole en lui demandant s’il fallait en plus lui décerner une médaille et je lui rappelle que Bordeaux compte parmi les villes les plus fiscalisée de France. Les Bordelais pouvaient donc s’attendre à quelques rénovations. Je lui signale qu’il n’a eu aucune difficulté à trouver des millions d’euros pour le Grand Stade ni à mobiliser en un temps record une rallonge de 20 millions d’euros pour la Cité du Vin. C’en est trop, Alain Juppé suspend la séance.
Lors de cette interruption, il vient trouver Vincent Feltesse et s’en prend à lui en tant que président du groupe incapable de me contenir. Vincent lui répondra avec amusement : « ne vous plaignez pas, je ne suis pas encore intervenu ! ». J’essaye d’entrer en dialogue avec le Maire et reviens sur l’augmentation de la taxe d’habitation estimée par le Figaro à 10,32%. Il nie ce chiffre et je lui réponds qu’on peut le discuter sans pour autant suspendre la séance mais il repart à la tribune. En réalité, ce chiffre était bien erroné et Le Figaro a actualisé sa carte dans la soirée. Elle révèle des indicateurs plus accablants encore pour le Maire de Bordeaux : le taux de la taxe d’habitation est 20 points plus élevé que la moyenne des 41 plus grandes villes de France, celui de la taxe foncière est 10 points au dessus de cette moyenne et on observe que l’augmentation de ces deux taxes est en moyenne de deux fois supérieure à Bordeaux.
Alain Juppé candidat à la primaire n’a pas de mots assez durs pour disqualifier le Gouvernement et le Président de la République. Il se pose en recours en expliquant qu’il fera pour la France ce qu’il a fait pour Bordeaux. Il faudrait être sot pour ne pas saluer la manière dont il a transformé la Ville. Oui, elle est incontestablement plus belle qu’avant, elle est même probablement l’une des plus belles ville du monde. Il n’en reste pas moins que la manière d’Alain Juppé d’envisager la Ville fait peu de place à ses habitants. Son obsession pour les grands projets et son manque d’intérêt pour ce qui fait le quotidien des Bordelais ont des conséquences fiscalement inquiétantes et humainement détestables. Alain Juppé n’a aucun intérêt à ce que la presse nationale dont il semble le candidat favori s’intéresse de près à sa gestion quotidienne. Le candidat Alain Juppé est le chantre de la rigueur budgétaire et le pourfendeur des augmentations d’impôts mais le Maire Alain Juppé accuse un bilan déplorable en la matière. Par ailleurs, les Français ont peut-être d’abord besoin qu’on réponde à leurs attentes immédiates et qu’on s’occupe de leur quotidien, ce qui là encore n’est pas le fort d’Alain Juppé.
Pour se distinguer de Nicolas Sarkozy et faire oublier son âge, Alain Juppé déclarait récemment que les Français rêvent d’un président «calme, pas trop nerveux». Hier en Conseil municipal, il n’a pas fait montre de grande retenue mais peut-être qu’en décidant de suspendre la séance il s’est forcé à prendre un moment pour retrouver son calme et éviter de détériorer l’image qu’il essaye de soigner.