Monsieur le Maire,
Alfred Sauvy disait « Les chiffres sont des innocents qui avouent facilement sous la torture ». La présentation de votre budget nous renseigne sur une chose, en matière de torture, vous êtes passé maître.
Vous nous avez présenté un tableau montrant les taux d’imposition par ville pour nous expliquer que Bordeaux a une politique fiscale modérée. Vous avez oublié de préciser que ces taux s’appliquent à des bases locatives et celles-ci sont très fortes à Bordeaux. C’est ce qui explique que le Figaro du 15 octobre 2011 épinglait Bordeaux, classée 3ème ville la plus taxée de France.
Derrière la communication que vous déployez pour faire diversion, il se trouve une réalité : vos choix budgétaires sacrifient l’humain et le quotidien au profit du prestige et de l’évènementiel. Et nous avons aujourd’hui un moyen d’illustrer notre propos de manière éclairante.
Vendredi dernier, la ville de Toulouse a voté son budget primitif et il se trouve que nous avons pu nous le procurer. Nous avons donc comparé, pour chacune des grandes politiques comment Toulouse et Bordeaux organisaient leurs choix. La comparaison est stupéfiante. Nous ne désespérons pas d’ailleurs que les observateurs se saisissent de ces chiffres car ils finiront de dissiper l’écran de fumée que vous entretenez savamment à travers des statistiques tronquées ou véritablement fallacieuses.
Pour qu’il ne nous soit pas reproché de prendre de biais particulier, j’attire votre attention sur la méthode. Les règles de la comptabilité publique imposent aux collectivités territoriales de présenter leur budget croisé par fonctions. Le législateur a imposé cette règle pour toutes les grandes collectivités. Je me suis donc contenté de reprendre les chiffres officiels, communiqués pour chacune des 9 grandes politiques et de les juxtaposer.
Des investissements vampirisés par le Grand Stade et par le Centre Culturel du Vin
Avec le Grand Stade, l’investissement dans la politique « sport et jeunesse » représente un tiers du budget global d’investissement.
1. Et les conséquences sont lourdes sur les autres politiques. Ainsi, le volet investissement de la politique scolaire (plus exactement enseignements et formation) est de 5% à Bordeaux quand il représente 16% du budget investissement de la Ville de Toulouse.
2. Si on compare le budget 2013 au budget 2012 (document complet, pdf 56ko), mis à jour avec la décision modificative que vous avez fait voter lors du dernier conseil municipal on déplore des coupes dramatiques dans la plupart des politiques liées à l’humain et au quotidien. Ainsi, c’est -66% en matière scolaire, -96% en matière sociale, -60% pour le budget d’investissement consacré à la famille, -65% pour l’investissement dans le logement. Il y aura certes des ajustements avec les prochaines décisions modificatives mais on constate que le retard à combler est d’ores est déjà très grand.
Concernant les dépenses de fonctionnement, là encore, seulement deux exemples :
1. Des effectifs grandement manquant dans les filières sociale et médico-sociale
Le document budgétaire dresse notamment la liste des effectifs pourvus. On observe qu’à Toulouse, 16% des agents sont affectés à la filière sociale. À Bordeaux, ils sont seulement 5%. Par ailleurs, à Bordeaux, entre 2012 et 2013, il y deux filières qui ont perdu des effectifs : la filière sociale : -11 agents, la filière médico-sociale : -15 agents.
2. La quasi inexistence du budget social
Vous nous avez expliqué combien la ville de Bordeaux fait pour le social. C’est faux et enfin nous avons les moyens de faire des comparaisons exactes. Bordeaux consacre (investissement et fonctionnement) 2,74% de son budget au social. À Toulouse, c’est 5,56%. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi Bordeaux, dont 25% de la population vit sous le seuil de pauvreté n’est pas capable de faire au moins autant que Toulouse ? Ces chiffres prouvent que vous n’avez aucune espèce de volonté d’être au côté des plus faibles. Ces chiffres montrent combien était cynique votre appel à la solidarité communautaire en matière d’hébergement d’urgence. Pendant que vous faites la leçons aux autres, vous misez pour que personne ne vienne vous la faire. Dernier chiffre parce que vous n’avez pas cessé de nous en parler. La subvention au CCAS. À Bordeaux elle est de 7 millions euros. À Toulouse c’est 15 millions, rapporté à leurs budgets respectifs, la ville de Bordeaux a une subvention envers son CCAS 37% plus faible.
Derrière ces chiffres, ce sont des réalités, des situations sociales parfois dramatiques, des familles à qui on ne facilite pas la tâche, des services publics qui ne fonctionnent pas toujours comme ils devraient. Un budget, ce sont des choix et force est de constater que les vôtres placent l’humain et le quotidien bien après le prestige et l’évènementiel.