Jeudi 29 octobre 2009 à Bordeaux, deux anciens combattants marocains étaient évacués de chez eux sans qu’ils aient pu récupérer des vêtements de rechange, leurs effets personnels, de la nourriture ou encore, pour l’un d’eux, son respirateur artificiel. Alertés, Naïma Charaï, Conseillère régionale d’Aquitaine et moi-même, nous nous sommes rendus à Saint Michel, quartier de résidence de ces anciens combattants. Nous les avons rencontrés et recueilli leur témoignage ([une vidéo se trouve sur nos sites internet|/v2/index.php?post/2009/11/01/Les-deux-anciens-combattants-t%C3%A9moignent]). Un comité de soutien s’est spontanément créé. Alors que les anciens ont finalement été autorisés à rejoindre leurs logements, ce comité continue de grossir et compte à ce jour 319 membres. Des personnes, qui malgré les tentatives d’InCité de faire croire en une autre vérité ont trouvé intolérable la manière dont ces anciens combattants ont été traités. J’observe que pour une société et une mairie qui n’ont rien à se reprocher, dès le samedi 31 octobre, durant les vacances, InCité organisait une conférence de presse pour démentir nos propos. Que le mardi qui suivait, la chance a voulu que Mohammed Ameur assure Alain Juppé de l’entière satisfaction du Maroc pour “les actions et les initiatives particulièrement dynamiques menées par la Ville de Bordeaux en direction des Bordelais d’origine marocaine”. Que le hasard du calendrier offre à Alain Juppé l’opportunité de lancer, le lendemain, une invitation pour l’inauguration d’un café social destiné à accueillir les anciens combattants. Et aujourd’hui, je suis destinataire d’une lettre ouverte de la part de certains salariés d’InCité. Interpellé, je tiens bien entendu à répondre. Néanmoins, je refuse de cautionner un jeu politique dont les règles nouvelles sont de faire témoigner des salariés pour prendre la défense de leur direction. J’aurais pu répondre directement si leurs reproches ne faisaient pas l’objet d’une lettre ouverte publiée par la direction d’InCité sur le blog de cette dernière. Tous les manquements que je reproche à InCité sont de la responsabilité de sa direction, quelles que soient les personnes impliquées. Pour toutes ces raisons, j’adresse mon courrier à la Présidente et au Directeur d’InCité. J’entends la colère et je comprends l’indignation de vos salariés. Toutefois, mes propos sont à la hauteur de l’indignation et de la colère qui m’ont habité quand nous avons recueilli le témoignage de ces deux anciens combattants. Ne parlant pas le français et ne comprenant pas ce qu’il leur arrivait, ces anciens de 77 et 79 ans ont été conduits par InCité dans un hôtel miteux, placés tous deux dans une chambre minuscule. Croyez bien qu’au plus profond de moi, j’éprouvais une réelle douleur à entendre que ces vieux messieurs ne s’expliquaient pas pourquoi on les avait sortis de chez eux. Il y a eu pire qu’une expulsion. Dans le cadre d’une expulsion vous savez pourquoi vous êtes mis dehors et vous savez que vous ne reviendrez plus. C’est précisément deux éléments d’explications qui manquaient aux deux anciens ! La France se montre sordide envers ses anciens combattants en refusant de leur verser la pension vieillesse s’ils ne demeurent pas en France au moins 9 mois par an. Ils sont contraints de croupir isolés, coupés de leur famille juste pour pouvoir bénéficier d’une indemnité qui leur permet d’assurer un minimum de dignité à leurs proches au pays. Ils ne peuvent même terminer leurs jours avec leurs femmes en France car l’Etat exige qu’ils aient des ressources supérieures aux maigres subsides dont ils bénéficient. Neuf mois de souffrance chaque année. Peut-on un instant se mettre à leur place ? La proximité avec la date de la trêve hivernale et leur affirmation selon laquelle ils ne se sont jamais sentis en insécurité dans leurs appartements alors qu’il s’agissait précisément de l’argument avancé par InCité pour les déloger m’a convaincu d’un [abus de faiblesse manifeste|/v2/index.php?post/2009/10/30/J-accuse]. Cela dit, je n’ai jamais cité nommément une personne. Parce que pour moi le problème ne vient pas des salariés de la société mais plutôt de la commande politique adressée à celle-ci et à la manière dont cette entreprise est dirigée. J’ai été choqué de voir InCité donner le nom d’une de ses salariées à la presse. Je n’ai pas bien compris pourquoi c’était à elle de s’expliquer sur la vidéo réalisée par un des administrateurs d’InCité. La direction d’une société doit défendre ses préposés, les protéger et assumer les actes de ces derniers lorsqu’ils sont accomplis dans le cadre de leur travail. Il y a un amalgame que l’on retrouve dans la lettre ouverte qui m’est destinée. Quand je dis qu’Incité organise la chasse aux pauvres, l’idée ne m’a jamais effleuré que les salariés étaient complices de ce phénomène. Je n’ai aucun doute sur leur intégrité et leur éthique professionnelle mais je demeure convaincu par la recomposition sociologique des quartiers sur lesquels InCité opère. Les pauvres sont contraints de quitter des quartiers comme Saint Michel car la réhabilitation conduit à une augmentation des prix des loyers et du foncier qui deviennent un obstacle à leur maintien sur place. Un des moyens pour permettre à ces personnes aux revenus modestes de rester dans leur quartier d’origine est de construire des logements sociaux publics. Combien InCité en a créé en 2008 ? Aucun. Pour deux raisons. La première relève de la responsabilité de la Sem. Quand il y a une opération immobilière à réaliser, la Sem préfère la plus facile à la plus compliquée et la plus rentable à la plus coûteuse. Monsieur le Directeur, vous résumez assez bien votre manière de voir les choses. Avant même d’arriver à InCité, vous déclariez : « __conditions exceptionnelles ou pas, une Sem se gère comme une société privée, elle se doit de dégager des résultats et de rentabiliser les capitaux investis__ » ([Sem Magasine, n°5 mars 2001|/v2/public/2009/novembre/sem_mag5.pdf]). Cette philosophie n’est-elle pas justement incompatible avec le caractère non rentable du relogement de deux vieux messieurs ? L’autre responsabilité incombe aux collectivités et en particulier à la Mairie de Bordeaux et c’est donc à vous Madame la Présidente que je m’adresse. On sait que le logement social public a un coût. La Mairie pourrait décider de débloquer les fonds nécessaires pour faire face à celui-ci et contraindre InCité à réaliser ces logements. Elle s’y refuse car, c’est mon avis, les mutations sociologiques qui découlent de l’aménagement du centre historique lui conviennent parfaitement.
La propagande d’InCité ne cachera pas la réalité : les pauvres sont chassés des quartiers réhabilités
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8 novembre 2009
2009